Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/262

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CHAPITRE LIII


Quelque froid et mondain que je doive paraître, d’après le ton de ces mémoires, je puis dire sans crainte que l’une des plus délicieuses soirées que j’aie jamais passées, fut celle où je fus pour la première fois présenté à miss Glanville. Je rentrai chez moi, tout rempli de je ne sais quelle douce ivresse et de quelle joie intime qui donnait à ma vie un charme inconnu et une fraîcheur nouvelle. Deux heures avaient suffi pour changer le cours de mes pensées et de mes sentiments.

Miss Glanville n’avait rien d’une héroïne. Je hais vos héroïnes. Elle n’avait pas cette aisance tempérée par la modestie, et cette dignité tranquille, dont certains écrivains parlent avec tant de succès. Dieu merci, elle était vivante ! Elle avait beaucoup d’esprit joint à une douceur enfantine, une extrême droiture de jugement, avec une délicatesse de gazelle. Quand elle riait, toute sa figure, les lèvres, les yeux le front, les joues, riaient à la fois. Son sourire, c’était les cieux ouverts ; lorsqu’elle était sérieuse, c’était avec une gravité si sublime, si élevée et en même temps si douce et si aimable que (pourvu qu’on fût doué de la moindre imagination) on se sentait enclin à concevoir, d’après ce joli modèle, une espèce nouvelle de Chérubins et de Séraphins, les anges de l’amour et de la sagesse. Peut-être n’était-elle pas, pour mon goût particulier, assez silencieuse en société ; mais lorsqu’elle parlait, c’était avec une propriété de termes et une justesse de pensées, qui me tenaient en suspens, si