Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/271

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chose de si opposé à sa nature, que je ne puis pas m’imaginer qu’il lui soit possible de faire un péché.

— Ne voulez-vous pas venir avec moi chez votre mère ? dis-je ; j’y vais aujourd’hui. »

Glanville me répondit qu’il le voulait bien et nous allâmes ensemble chez lady Glanville à Berkeley Square. Nous fûmes reçus dans le boudoir de sa mère. Elle était seule avec sa fille. Notre conversation d’abord banale porta bientôt sur des sujets sérieux ; la sombre mélancolie de Glanville déteignait sur toutes ses pensées, lorsqu’il se laissait aller à les exprimer.

« Pourquoi, dit lady Glanville qui paraissait peinée de l’état de son fils, pourquoi n’allez-vous pas plus dans le monde ? Vous vous rongez l’esprit, vous vous tuez. Mon cher enfant, comme vous avez l’air souffrant ! »

Hélène, dont les yeux se remplissaient de larmes chaque fois qu’elle regardait son frère, posa sa belle main sur son épaule et lui dit : « Pour l’amour de ma mère, Réginald, prenez plus de soin de votre santé, il vous faut de l’air, de l’exercice, du plaisir.

— Non, répondit Glanville, il ne me faut que de l’occupation ; et grâce au duc de *** j’en ai maintenant. Je suis nommé représentant de ***.

— Ah ! que je suis heureuse, dit son excellente mère ; vous allez être tout ce que j’ai prédit que vous seriez ; » et dans l’excès de sa joie elle ne vit plus ses joues creuses, et ses yeux enfoncés dans leurs orbites.

« Vous rappelez-vous, dit Réginald en se tournant vers sa sœur, ces beaux vers de mon poème favori :


Les gloires humaines ne sont que de charmants songes et des ombres bientôt disparues. Sur le théâtre de cette vie périssable ma jeunesse a joué des scènes variées et s’est amusée à différents plaisirs bien doux à goûter, mais dont l’issue est tragique. Beauté, pompes, sensualités, que notre folie érige en idoles, sont des amis inconstants qui s’enfuient sitôt qu’une passion troublée nous enchaîne sur les créneaux démantelés du château-fort de notre âme désormais sans défense.


— Vos vers sont fort beaux, lui dis-je, même pour moi qui n’ai point le sens poétique, et qui n’ai jamais écrit un