Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/272

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vers de ma vie ; mais je n’en aime pas la philosophie. Dans tous les sentiments empreints de mélancolie et qui ne distillent pour toute moralité que la tristesse, j’interroge la sagesse et cherche la vérité. Il n’y a pas de situation dans la vie que nous ne puissions rendre douce ou amère, à volonté. Si le passé est triste, je ne vois pas la nécessité de s’y appesantir. L’esprit capable d’un vigoureux effort peut le faire dans un sens comme dans l’autre ; l’énergie que vous déployez pour acquérir de l’instruction, vous servirait, si vous le vouliez, à vaincre le chagrin. Prenez la résolution de ne pas penser à ce qui vous afflige, détournez-vous résolûment de tout ce qui vous rappelle votre chagrin ; portez toute votre attention sur des objets nouveaux et attrayants ; faites cela, et vous vaincrez le passé. Vous souriez, comme si cela était impossible ; il n’y a rien là de plus difficile que de se détourner d’une habitude prise et de se consacrer à un objet pour lequel on avait de la répugnance auparavant ; et pourtant l’esprit ne fait pas autre chose pendant tout le cours de la vie. D’ailleurs il me semble que c’est une chose contraire à la nature du cœur humain, que de trop regarder en arrière ; tous ses plans, tous ses projets, ses aspirations sont dans l’avenir ; c’est pour l’avenir et dans l’avenir que nous vivons. Nos passions mêmes, les plus violentes, ont en vue un objet à venir. La vengeance, l’avarice, l’ambition, l’amour, les désirs bons et mauvais, tout cela tend vers un but éloigné. Regarder en arrière, c’est marcher à reculons, contrairement aux lois de notre organisation : l’esprit n’adopte pas du premier coup une habitude et, quand elle est adoptée, il ne lui faut que peu de temps pour retourner à son penchant naturel. L’oubli est un bienfait moins difficile à conquérir que vous ne croyez. L’inquiétude de l’avenir chasse le souvenir du passé. »

Je m’arrêtai un instant, mais Glanville ne me répondit pas. Encouragé alors par un regard d’Hélène, je poursuivis ainsi : « Vous vous souvenez de ce vieil article de foi : si la mémoire nous a été donnée comme une malédiction, nous avons reçu par contre l’espérance comme un bienfait. Corrigez l’une par l’autre. Moi-même dans le cours de ma vie j’ai eu quelques faiblesses, peut-être même ai-je commis