Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/288

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les plus minutieux et ajouter ainsi à la réputation dont je jouissais. Je me renseignais sur le caractère et la vie des individus qu’il était de notre intérêt d’intimider ou de gagner à notre cause. C’était moi qui étais chargé de recruter et d’amener à la chambre, les plus jeunes et les plus dissipés des députés, que des agents plus accrédités et plus puissants que moi ne pouvaient pas arracher au jeu de paume ou à la roulette.

Enfin, tout en conservant, grâce à ma naissance, à ma hauteur et à l’indépendance de mes manières, mon rang parmi les personnages les plus élevés de ce parti, je ne me faisais pas scrupule de me mettre au niveau des plus humbles par mon travail et par mon activité… Dawton disait que j’étais son bras droit ; au fond, j’étais plutôt sa tête que son bras, mais je paraissais très-flatté de son compliment.

Cependant, je prenais plaisir à montrer dans le monde l’excentricité de costume et de caractère que j’avais adoptée tout d’abord, et à cultiver ce grand art de faire sourire les femmes, où je trouvais le plaisir et l’encouragement qui me soutenaient dans mes luttes les plus sérieuses contre les hommes. Devant Hélène Glanville seule, je déposais cette affectation qui, je le savais, avait peu de chances de réussir auprès d’une personne d’un goût si pur et si délicat. Je découvris en elle non-seulement une âme charmante, pleine de candeur et de fraîcheur, mais un esprit élevé et profond. Elle était, au fond du cœur, peut-être aussi ambitieuse que moi, mais avec cette différence que mes aspirations étaient masquées par mon affectation, tandis que les siennes étaient adoucies par sa timidité et purifiées par sa piété. Il y avait des moments où je m’ouvrais à elle et où je puisais dans la sympathie et dans l’enthousiasme de ses regards, une force nouvelle.

Oui, me disais-je, je désire les honneurs mais c’est pour qu’elle les partage et qu’elle les ennoblisse. En un mot j’aimais comme aiment les autres hommes, et je me plaisais à mettre en elle une perfection, et à puiser dans cet amour une émulation, dont le temps devait montrer plus tard les effets.