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Clinton était à la veille de partir pour faire son tour d’Europe. Son intention était de rester un an à Paris et il était plein des rêves de bonheur qu’évoquait dans son esprit l’idée de voir cette ville. Nous passâmes toute la soirée ensemble, et nous prîmes un goût très-vif l’un pour l’autre. Longtemps avant d’aller me coucher, j’étais déjà gagné par la même passion que lui pour les aventures continentales et je lui avais à moitié promis de l’accompagner. Ma mère, lorsque je lui parlai de mes intentions de voyage, fut d’abord au désespoir, mais peu à peu elle se réconcilia avec cette idée.

« Votre santé sera fortifiée par un air plus pur, me dit-elle, et votre prononciation française est encore loin d’être correcte. Prenez bien soin de vous, mon cher enfant, et surtout dès votre arrivée, prenez Coulon pour maître de danse. »

Mon père me donna sa bénédiction et un bon sur son banquier. En trois jours tous mes arrangements avec Clinton furent faits et le quatrième jour je retournai avec lui à Londres. De là nous partîmes pour Douvres, où nous nous embarquâmes, et pour la première fois de notre vie, nous dînâmes sur la terre française, étonnés de trouver si peu de différence entre les deux pays, et surpris surtout d’entendre jusqu’aux petits enfants parler si bien le français. En arrivant à Abbeville ce pauvre Clinton tomba malade. Nous fûmes obligés de nous arrêter pendant plusieurs jours dans cette abominable ville ; enfin, sur l’avis des médecins, Clinton retourna en Angleterre. Je revins avec lui jusqu’à Douvres, ensuite, impatient de ce retard, je ne pris de repos ni jour ni nuit que je ne fusse enfin arrivé à Paris.

Jeune, bien né, d’assez bonne mine, la bourse bien garnie, et ne me refusant aucune des jouissances qu’on peut se procurer avec de l’argent, j’entrai dans Paris avec le pouvoir et la volonté de jouir pleinement de ces beaux jours qui nous échappent, hélas, si vite !