Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/50

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être (quand vous voulez vous en donner la peine) d’une originalité aussi brillante ni d’un aussi excellent ton que vous. Lord Vincent est, m’a-t-on dit, à Paris ; quoiqu’il soit fatigant avec son érudition et son latin, c’est un homme de beaucoup d’esprit et fort en vogue ; ne manquez pas de cultiver sa connaissance.

« Si vous êtes jamais embarrassé pour prendre une personne dont vous désirez gagner les bonnes grâces, il y a un moyen qui est infaillible, et que vous fournira la connaissance générale de l’espèce humaine : la flatterie ! Il faut savoir en varier la qualité et la dose avec art et discernement ; mais c’est là une affaire de plus ou de moins, et en somme on la fait toujours accepter et l’on plaît. Seulement il ne faut jamais (ou du moins le plus rarement et possible) flatter quelqu’un en présence d’un tiers : en pareil cas vous blessez les autres, et la personne même que vous voulez prendre pour dupe est toute honteuse du rôle que vous lui faites jouer.

« En général, les petits esprits ne sont occupés que des autres tout en ayant l’air de ne penser qu’à eux ; vous, au contraire, vous devez paraître exclusivement engoué de ceux qui vous entourent, et n’avoir pourtant aucune pensée qui ne se rapporte à vous-même. Un sot, mon cher Henry, se flatte lui-même ; un homme d’esprit flatte les sots.

« Dieu vous garde, mon cher enfant. Prenez bien soin de votre santé ; n’oubliez pas Coulon, et croyez à l’affection de votre mère.

« F. P… »

Comme je finissais de lire cette lettre et que je m’habillais pour le soir, la voiture de lord Vincent s’arrêta à ma porte. J’ai horreur de cette affectation que mettent certaines personnes à faire attendre les gens, et je sortis si vivement que je rencontrai le facétieux lord au milieu de l’escalier.

« Il fait un vent diabolique, lui dis-je quand nous fûmes installés dans sa voiture.