Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/66

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CHAPITRE XVI


En arrivant à Paris j’avais pris un maître de français pour me perfectionner dans la prononciation parisienne. Ce brocanteur de pronoms s’appelait Margot. C’était un homme grand, solennel, d’une gravité imperturbable. Il n’aurait pas eu son pareil pour être croque-mort. Ses cheveux étaient d’un jaune pâle, et semblaient avoir emprunté quelque chose à la couleur bilieuse de son teint. Ce teint était d’un jaune de safran si foncé qu’on eût dit qu’il avait à sa disposition non pas un foie, mais dix pour lui fournir une jaunisse si riche en couleur. Il avait le front haut, étroit, et chauve. Ses pommettes étaient extrêmement proéminentes et ses joues si maigres que plus heureuses en cela que Pyrame et Thisbé séparés à jamais, elles pouvaient s’unir et s’embrasser en dedans sans obstacle. Sa face longue et pointue ressemblait à une pyramide renversée, et elle était garnie, de chaque côté, d’une paire de favoris misérables et mal nourris qui semblaient avoir peine à se soutenir au milieu de ces symptômes généraux d’atrophie et de décadence. Cette charmante physionomie servait de couronnement à un personnage si long, si droit, si ténébreux, qu’on eût dit un obélisque poitrinaire.

Mais le caractère distinctif de l’homme c’était cette gravité merveilleuse dont j’ai parlé. Il était impossible d’arracher à sa figure un sourire : autant aurait valu s’adresser aux pincettes. Il ne faudrait pas croire pour cela, que M. Margot fût le moins du monde un homme mélancoli-