Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/82

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qui se tenait là, tout transi. Il tournait ses yeux à droite et à gauche, les portant de l’un à l’autre, à mesure qu’une exclamation partait d’un des points de la chambre.

« Je vous assure, dit-il à la fin….

— Non ! non ! cria-t-on, toute explication est inutile.

Mais, Messieurs, reprit le malheureux Margot, d’un ton plaintif.

— Taisez-vous, s’écria Mme Laurent, vous avez déconsidéré ma maison !

Mais, madame, écoutez-moi !

— Non ! non ! disait l’Allemand, nous vous avons vu, nous vous avons vu !

Mais, monsieur le comte.

— Fi ! fi ! disait le Français.

Mais, monsieur le vicomte. »

À ce moment toutes les bouches s’ouvrirent à la fois, et, la patience de M. Margot étant poussée à bout, il entra dans une violente colore. Ses bourreaux feignirent une égale indignation, si bien qu’il s’élança hors de la chambre aussi vite que le permettaient ses pauvres os disloqués. À ses trousses, toute la bande criait, hurlait, grondait, et riait à qui mieux mieux.

Le lendemain matin je dus me passer de ma leçon de français ; c’était assez naturel ; mais le surlendemain et le jour suivant se passèrent sans que M. Margot vînt s’excuser. Alors je fus inquiet de ce pauvre homme. J’allai donc trouver madame Laurent pour m’informer de lui ; jugez de ma surprise : il avait, dès le lendemain de sa mésaventure, quitté son logement, avec le mince bagage de ses livres et de ses effets ; il avait laissé une lettre pour madame Laurent avec le montant de ce qu’il lui devait, et depuis, on n’avait plus entendu parler de lui.

Je ne l’ai jamais revu. Le pauvre professeur perdit le peu d’argent qu’on lui devait pour ses leçons ; tant il est vrai que pour un homme du caractère de M. Margot, l’intérêt est toujours subordonné à la passion de la vanité.