Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/93

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sonnage (magni nominis umbra) ne put se contenir plus longtemps. Il se leva, lança un regard sévère aux jeunes gens interdits et leur tint ce discours : « Messieurs, je suis demeure assis en silence pendant que vous tourniez en dérision mon roi et que vous blasphémiez mon Dieu ; mais maintenant que vous attaquez l’aristocratie, je ne puis plus méconnaître vos intentions blessantes : Messieurs, c’est une insulte personnelle. »

— Dites-moi, Vincent, lui demandai-je après un instant de silence, avez-vous quelquefois rencontré, à Paris, un monsieur Thornton ?

— Thornton ? Thornton ? me dit-il, en ayant l’air de rappeler ses souvenirs ? Lequel ? est-ce Tom Thornton ?

— Je pense que ce doit être cela, lui répondis-je ; cet individu qui doit s’appeler Tom Thornton a le visage plein et coloré et porte une cravate à petits pois ; Tom, c’est cela, il doit s’appeler Tom !

— N’est-cc pas un individu entre vingt et trente ans, dit Vincent, un peu court, qui a les cheveux et les favoris roux ?

— Précisément, lui dis-je, est-ce que tous les Tom ne se ressemblent pas ?

— Ah ! dit Vincent, je le reconnais bien ; c’est un garçon adroit et habile, mais c’est un misérable. C’est le fils d’un intendant du Lancashire ; il a été élevé pour être procureur ; mais comme il avait de la gaîté et de l’entrain il devint le favori du maître de son père, une espèce de Mécène qui protégeait les joueurs de bâton, les joueurs et les jockeys. Dans cette maison il fit la connaissance de quelques personnes d’un rang distingué mais qui avaient les mêmes goûts que leur hôte : ces gens-là qui prennent la rudesse et la vulgarité de ses manières pour de l’honnêteté et ses proverbes prétentieux pour de l’esprit, l’admirent dans leur société. C’est chez une de ces personnes que je l’ai vu. Je pense que depuis peu ses affaires se sont un peu gâtées ; quels que soient les motifs qui l’ont fait émigrer d’Angleterre à Paris (quelques abominations mal blanchies… quelques innocentes noirceurs, comme dit Charles Lamb en parlant des ramoneurs), je n’imagine pas quel métier il