Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Hélène Glanville ; elle avait les yeux baissés, et elle paraissait regarder des gravures, mais je crus voir sa main trembler.

Il y eut un moment de silence. Vincent causait avec les autres personnes qui étaient assises autour de la table : en pareille circonstance une femme prend toujours la première la parole.

« Nous ne vous avons pas vu depuis votre retour à Londres, monsieur Pelham, me dit Hélène.

— J’ai été très-malade, » lui répondis-je ; je sentis que ma voix faiblissait. Hélène me considéra avec anxiété ; je ne pus soutenir l’éclat de ces grands yeux, si tendres, si profonds, et ce fut à mon tour de paraître occupé à considérer les gravures.

« Vous êtes pâle, » me dit-elle d’une voix douce. Je n’osais parler. Quelque habitué que je fusse à la dissimulation, je me sentais tremblant comme un enfant coupable, en présence de la femme que j’aimais. Il y eut un autre silence ; enfin, Hélène me dit : « Comment trouvez-vous mon frère ce soir ? »

Je tressaillis : oui, c’était bien son frère ; cette pensée me ramena à moi-même. Je répondis avec tant de froideur, tant de hauteur, qu’Hélène rougit et me dit, en se levant d’un air digne, qu’elle allait retrouver lady Roseville. Je la saluai légèrement, et elle se dirigea vers la comtesse. Je pris mon chapeau et je partis, mais je n’étais pas seul, j’emportais le livre annoté de la main d’Hélène ; pendant bien des jours amers et des nuits sans sommeil, ce livre m’a tenu compagnie : je l’ai, en ce moment, devant moi ; il est ouvert à une page qui porte encore les traces de mes larmes !