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sive, et ses observations se ressentaient de ces dispositions de son esprit, mais elle était aussi dame de cour, accoutumée à dissimuler, et son langage était gai et badin, alors que les sentiments qu’il couvrait, étaient tristes et rêveurs.

Hélène Glanville écoutait avec attention et ne parlait qu’à regret. Bien que la variété et l’étendue de ses connaissances fussent très-supérieures à celles de la plupart des femmes, elle détestait d’en faire parade. L’enfantillage, la vivacité, la tendresse étaient les traits saillants de son caractère.

Les fleurs étaient à la surface ; mais au fond se cachait la mine précieuse ; la beauté des unes frappait tout le monde, à peine soupçonnait-on la richesse de l’autre.

La manière dont s’exprimait Glanville était élégante et sentencieuse. Il n’aimait pas les détails fatigants ; il résumait, en un axiome, plusieurs années d’études. Il était quelquefois fantasque, quelquefois paradoxal ; le plus souvent sombre, mélancolique, plein d’amertume.

Quant à moi, j’étais plus expansif chez lady Roseville que partout ailleurs, mettant selon ma philosophie favorite, de la gaieté dans les choses sérieuses, et de la gravité dans les choses gaies. Peut-être est-ce là une méthode plus judicieuse qu’on ne se l’imaginerait : en effet, la plupart des choses auxquelles on attache ordinairement de l’importance, ne méritent que le ridicule, et celles qu’on regarde comme des bagatelles, ont souvent une portée qu’on ne soupçonnait pas.

Vincent prit un volume, c’étaient les poésies posthumes de Shelley. « Que de jolies choses il y a là, dit-il ; malheureusement ce sont de jolis fragments d’une architecture de mauvais goût ; ils sont imparfaits en eux-mêmes et procèdent d’une école défectueuse ; pourtant tels qu’ils sont, on y voit la main d’un maître. Cela ressemble aux tableaux de Paul Véronèse qui souvent blessent les yeux, offensent la raison, mais respirent la force et la puissance ; les fautes mêmes y ont de la majesté. Ce siècle-ci sera peut-être le seul qui leur ait rendu justice, mais les disciples des écoles futures mettront au pillage leurs glorieux débris. Les écrits de Shelley fourniraient la matière de