Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/110

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lui-même des mémoires où il se peint avec tant de franchise, combien n’exalterions-nous pas son patriotisme et sa philanthropie ! Maintenant que nous savons que son but et sa récompense étaient la vanité, pourquoi n’étendrions-nous pas aux autres cette connaissance que nous avons grâce à lui de la nature humaine ? Pour ma part, je serais désolé de savoir pour combien la vanité entrait dans le patriotisme sublime de Sydney, ou dans la fermeté invincible de Caton. »

Glanville fit un signe d’assentiment.

« Mais, dis-je ironiquement, pourquoi se montrer si peu charitable pour cette pauvre vanité, puisque personne ne nie qu’elle puisse produire de bonnes et grandes actions ? Pourquoi la flétrir comme un vice, quand elle engendre ou du moins seconde tant de vertus ? Je m’étonne que les anciens n’aient pas élevé le plus beau de leurs temples au Dieu de la vanité ? Quant à moi, je ne parlerai plus dorénavant de la vanité que comme du primum mobile de tout ce qui excite notre vénération et notre admiration. Oui, je croirai faire un très-beau compliment à un homme en lui disant qu’il est doué d’une remarquable vanité.

— Je suis de votre avis, dit Vincent en riant. La cause qui fait que nous n’aimons pas la vanité des autres c’est qu’elle est continuellement en rivalité avec la nôtre. De toutes les passions (si toutefois la vanité en est une) c’est la plus indiscrète ; elle va toujours contant ses secrets. Si elle consentait à se taire, elle serait aussi gracieusement reçue dans la société, que n’importe quel autre, intrus de qualité, dont les habits sont bien faits et les manières irréprochables. C’est son bavardage qui la perd. Mais en vérité il est clair que la vanité en elle-même n’est ni un vice ni une vertu, pas plus qu’un canif n’est en lui-même dangereux ni utile. C’est la personne qui l’emploie qui lui donne ses qualités ; par exemple où un grand esprit désire-t-il briller, où met-il sa vanité ? dans les grandes actions. Pour un esprit frivole la vanité sera dans les frivolités ; et ainsi de suite pour toutes les variétés d’esprits. Mais je ne puis admettre, avec M. Clarendon, que mon admiration pour