Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/111

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Algernon Sydney (quant à Caton je ne l’ai jamais admiré) serait bien diminuée, si je découvrais que sa résistance à la tyrannie ait été due en grande partie à sa vanité, ou que cette même vanité l’ait consolé lorsqu’il fut tombé victime de son héroïque résistance. Qu’est-ce que cela prouverait ? qu’au milieu des sentiments divers qui se disputaient son âme, l’indignation contre les oppresseurs, l’enthousiasme pour la liberté, l’amour de ses semblables, la noble ambition d’être conséquent avec lui-même jusqu’à la mort, une foule d’autres sentiments tout aussi purs et aussi honorables, il y en avait un moins désintéressé, (et peut-être n’occupait-il qu’une très-petite place) le désir que sa vie et sa mort fussent appréciées avec justice ? Mépriser la renommée c’est presque mépriser la vertu. N’accusez pas cette vanité qui se borne à désirer que l’on tienne compte aux braves gens de leurs bonnes actions. Après l’estime de nous-mêmes, dit le meilleur des philosophes romains, c’est encore une vertu que de désirer l’estime des autres.

— Au ton dont vous prononcez le mot estime, dit lady Roseville, je suppose que vous y attachez un sens particulier.

— Oui certainement, dit Vincent, je l’emploie par opposition au mot admiration. Nous pouvons convoiter l’admiration générale en faisant une mauvaise action (car il y a telle mauvaise action qui a un clinquant qu’on peut prendre pour le brillant de l’or), mais on ne peut s’attendre à l’estime générale que si l’on a fait une bonne action.

— Ne pouvons-nous pas, dit Hélène, tirer de cette distinction une conséquence qui nous aidera beaucoup à mieux définir la vanité ? ne devons-nous pas en conclure que la vanité qui ne désire que l’estime des autres est toujours une vertu, et que celle qui ne vise qu’à l’admiration est fréquemment un vice ?

— Nous pouvons admettre cette déduction, dit Vincent, mais avant d’en finir avec ce sujet, je ne puis m’empêcher de signaler la sottise des esprits superficiels qui s’imaginent qu’en étudiant les mobiles qui font agir les hommes, les philosophes ont pour but de déprécier leurs actions. Di-