Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/115

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même temps, remettant ses étoffes dans la boîte et la fermant à clef, non, monsieur, dit-il, je ne fais que porter le bien d’autrui ; je n’ai qu’une chose qui m’appartienne, ce sont mes maximes et je les vendrai ce que vous m’en donnerez.

— Vous êtes modeste, mon ami, lui dis-je, et votre franchise seule est d’un prix inestimable à une époque de tromperie, et sur cette terre natale de l’hypocrisie.

— Ah, monsieur, me dit ma nouvelle connaissance, je vois bien que vous êtes une de ces personnes qui voient le mauvais côté des choses. Pour ma part, je regarde notre époque comme la meilleure qui ait jamais existé et notre pays comme le plus vertueux de l’Europe.

— Je vous félicite de votre opinion, monsieur l’optimiste, lui dis-je, mais votre observation me porte à penser que vous êtes à la fois historien et voyageur ! ai-je raison ?

— Oh ! répondit le porte-balle, j’ai quelque peu feuilleté les livres et je n’ai pas peu fréquenté mes semblables. J’arrive d’Allemagne et je vais rejoindre mes amis à Londres. Je suis chargé de cette boîte d’effets : je demande au ciel la grâce de pouvoir la remettre à destination en bon état !

— Amen, dis-je, acceptez mes vœux, et prenez ceci par-dessus le marché, maintenant je vous souhaite le bonjour.

— Je vous remercie mille fois, monsieur, de l’un et de l’autre, me dit l’homme, mais voudriez-vous me faire encore la faveur de m’enseigner le plus court chemin pour aller à…

— Je vais justement moi-même dans cette direction, si vous voulez que nous fassions une partie de la route ensemble, vous ne risquerez plus ensuite de vous égarer.

— Votre Honneur a trop de bonté, repartit l’homme à la boîte en se levant et en chargeant son fardeau sur ses épaules, il y a bien peu de gentlemen de votre rang qui voulussent consentir à faire trois pas en compagnie d’un gentleman de mon espèce. Vous riez, monsieur, peut-être pensez-vous que je ne pourrais pas me regarder moi-même comme un gentleman. Pourtant j’ai autant de droit à ce titre que la plupart de ceux qui le prennent. Je ne fais pas le commerce. Je n’ai pas d’état : j’erre où je veux, et je