Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/119

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qu’on pourrait tirer grand parti d’une pareille connaissance, surtout dans le commerce. Aussi trouvais-je que c’était grand dommage que mon compagnon m’eût déclaré qu’il n’exerçait aucun métier.

— Mais, monsieur, me dit-il, j’ai de temps en temps un état, ma profession nominale est le courtage. J’achète des châles et des mouchoirs de pauvres comtesses, et je les revends à de riches bourgeoises. Je monte de linge les nouveaux ménages à des conditions plus modérées que dans les magasins, et je fournis au fiancé ses cadeaux de noces et ses bijoux à quarante pour cent au-dessous du prix des joailliers. J’aime même autant une intrigue qu’un mariage, et à défaut de joyaux, je vends volontiers, dans ce cas, mes bons offices. Un joli garçon comme Votre Honneur peut bien avoir quelque affaire secrète : vous pourriez alors compter sur ma discrétion et mon zèle. Bref, vous voyez en moi un brave garçon, bien innocent, bien bon enfant, incapable de faire du mal à personne pour rien au monde, et disposé à faire plaisir à qui que ce soit pour quelque chose.

— Je vous fais mon compliment de vos talents, et, quand j’aurai besoin d’un tiers entre Vénus et moi, je ne manquerai pas de vous employer. Avez-vous toujours exercé cette profession peu laborieuse, ou ne vous en a-t-on pas donné d’abord une autre ?

— On avait d’abord voulu faire de moi un orfèvre, répondit notre ami, mais la Providence en a décidé autrement. Comme on m’avait appris dès mon enfance à répéter « Notre père, qui êtes aux cieux… » notre père m’a entendu et il m’a délivré de la tentation… le fait est qu’elle est terriblement séduisante, quand elle se présente sous la figure d’une cuiller d’argent.

— Ma foi ! vous êtes bien le plus honnête coquin que j’aie jamais rencontré et en vérité on vous confierait volontiers sa bourse rien que pour la franchise avec laquelle vous avouez que vous seriez disposé à la voler. Mais, faites-moi donc le plaisir de me dire s’il ne serait pas possible que j’aie déjà eu le bonheur de vous voir. Je ne peux pas m’ôter cela de l’idée, et pourtant, comme je n’ai jamais été