Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/139

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Dawton saisit avec joie l’occasion de changer de conversation, et nous nous mîmes à causer et à plaisanter sur des sujets indifférents jusqu’au moment où je pensai qu’il était temps de me retirer. Je le fis avec la plus cordiale apparence d’égards et d’estime ; et ce ne fut qu’après avoir franchi le seuil de sa porte que je laissai un libre cours à la bile amère que j’avais sur le cœur. Je tournai mes pas vers Green Park, et je me promenais lentement le long de l’avenue principale, les mains derrière le dos et les yeux fixés à terre, quand j’entendis prononcer mon nom. En regardant derrière moi j’aperçus lord Vincent à cheval ; il s’arrêta à causer avec moi. Dans l’humeur où j’étais contre lord Dawton, je l’accueillis avec plus de chaleur que je n’avais fait naguère ; et lui de son côté se trouvant dans des dispositions sociables, sembla si satisfait de notre rencontre, et de mon humeur qu’il mit pied à terre pour se promener avec moi.

« Ce parc est bien différent maintenant, dit Vincent, de ce qu’il était du temps du Joyeux Monarque ; cependant c’est encore un lieu beaucoup plus à mon goût que son frère ambitieux, le romantique Hyde Park. Il y a une certaine mélancolie qui n’est pas sans douceur à se promener dans les lieux consacrés par l’histoire ; car tous tant que nous sommes nous vivons plus dans le passé que dans le présent.

— Voyez, dis-je, comme les hommes sont toujours les mêmes dans tous les âges. À la place même où nous voici, combien d’hommes ont été animés des mêmes sentiments qui nous font agir maintenant ! combien ont fait peut-être la même remarque que vous venez de faire ! C’est cette identité universelle qui nous rattache avec le plus de puissance au passé. C’est plaisir de voir comme nous ressemblons aux Agamemnons des temps jadis, et nous ne laissons perdre aucun des personnages disparus, à voir le soin que nous mettons à ressembler aussi aux Thersites du temps.

— C’est vrai, reprit Vincent ; si les sages et les grands hommes savaient seulement quelle légère différence il y a entre eux et les fous ou les gens du commun, ils ne pren-