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cet homme, les fantaisies les plus déréglées de son imagination n’auraient jamais été jusqu’à deviner le sort qui tôt ou tard attendait le scélérat si la mort ne se hâtait pas de l’y soustraire.

Quant à Thornton je ne l’avais point revu et je n’avais jamais entendu parler de lui depuis mon départ de chez lord Chester, mais ce n’était qu’un délai qui devait expirer bientôt. J’avais à peine gagné Oxford Street, en retournant chez moi, quand je l’aperçus traversant la rue avec un autre homme. Je me retournai pour examiner avec attention les traits de son compagnon, et, en dépit d’un grand changement de toilette, d’une énorme paire de fausses moustaches et des dehors factices d’un âge plus avancé, mon tact d’observation habituelle me fit reconnaître à l’instant mon spirituel et vertueux ami, M. Job Jonson. Ils disparurent dans une boutique, et je ne pensai pas que ce fût la peine de les surveiller davantage quoique je conservasse toujours contre M. Job Jonson un dépit rétrospectif que j’étais fermement résolu à satisfaire à la première occasion favorable.

Je passai près de la porte de lady Roseville. Quoique l’heure fût avancée et que je n’eusse par conséquent que peu de chances de la rencontrer chez elle, je pensai cependant que cette chance valait du moins la peine de m’en informer. À mon agréable surprise, je fus reçu : il n’y avait personne au salon. Le domestique me dit que lady Roseville était occupée en ce moment, mais qu’elle pourrait me voir bientôt et me priait de vouloir bien attendre.

Agité comme je l’étais par diverses réflexions, j’allais et venais (dans mon humeur impatiente) par les chambres spacieuses qui formaient les appartements de réception de lady Roseville. À l’extrémité la plus éloignée se trouvait un petit boudoir, dans lequel n’étaient admis que les favoris peu nombreux de la déesse. Comme j’approchais de ce côté, j’entendis des voix, et le moment d’après je reconnus les tons graves de celle de Glanville. Je me retirai à la hâte de peur d’entendre la conversation ; mais à peine avais-je fait trois pas que le son convulsif d’un sanglot de femme arriva à mon oreille. Bientôt après, des pas descendirent l’escalier, et la porte de la rue s’ouvrit.