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Les minutes s’écoulaient, et je devenais impatient. Le domestique rentra. Lady Roseville se trouvait si soudainement et si sérieusement indisposée qu’elle était incapable de me recevoir ; il me fallut quitter la maison pour retourner chez moi, l’âme en proie aux conjectures les plus étranges.

Le jour suivant fut un des plus importants de ma vie. Je me tenais pensif près de ma cheminée, écoutant avec la plus morne attention une vielle poussive qui stationnait en face de ma fenêtre, quand Bédos annonça la visite de sir Réginald Glanville. Il se trouvait, que le matin même, j’avais tiré la miniature que j’avais trouvée dans le champ funeste, de l’endroit secret où je la gardais ordinairement, pour l’examiner de près. Je craignais qu’une recherche plus minutieuse n’y fît découvrir quelque indice fatal à son propriétaire, quelque preuve plus convaincante que les initiales et l’interprétation de Thornton.

La peinture était posée sur la table quand Glanville entra : mon premier mouvement fut de la saisir et de la cacher : mon second, de la laisser et de surveiller l’effet que sa vue pourrait produire sur lui. En prenant ce dernier parti, je voulus cependant rester maître de choisir le moment où je jugeais à propos de découvrir la miniature ; et, passant devant la table, je jetai négligemment mon mouchoir sur le portrait. Glanville m’aborda tout d’un coup, et son visage, ordinairement d’une expression froide et réservée, prit un air plus franc et plus décidé.

« Vous avez depuis peu changé à mon égard, me dit-il ; comme je tiens à votre ancienne amitié, je suis venu vous en demander la raison.

— La mémoire de sir Réginald Glanville, répondis-je, ne peut-elle lui en fournir aucune raison probable ?

— Elle le peut, reprit Glanville, mais je ne voudrais pas m’en rapporter seulement à elle. Asseyez-vous, Pelham, et écoutez-moi. Je lis dans vos pensées, et je pourrais affecter d’en mépriser le sens ; peut-être depuis deux ans cela m’était-il permis. Mais à présent je ne puis que les plaindre et les excuser. Je suis venu à vous aujourd’hui, avec la confiance et l’affection de nos premières années pour réclamer