Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/157

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« Si bien donc, continua-t-il pour reprendre le fil de son récit, qu’après avoir demeuré quelques semaines avec ma mère et ma sœur, je profitai de leur départ pour le continent et je résolus de faire un voyage dans toute l’Angleterre. Les gens riches, et j’ai toujours été très-riche, sont bientôt extrêmement fatigués de l’embarras des richesses. Je m’arrêtais avec délices à l’idée de voyager sans équipage et sans domestiques ; je pris simplement un cheval favori, et le chien noir, le pauvre Terreur, que vous voyez en ce moment à mes pieds.

« Le jour où je commençai à mettre ce plan à exécution fut pour moi le début d’une nouvelle et terrible existence. Cependant il faut que vous me pardonniez de ne pas entrer ici dans de bien grands détails. Qu’il vous suffise de savoir que je fis la connaissance d’une personne… pour la première et la seule fois de ma vie, j’aimai ! Cette miniature est un essai tenté pour rendre ses traits ; les initiales qui sont derrière, entrelacées avec celles de mon nom, sont les siennes.

— Oui, dis-je sans y penser, ce sont les initiales de Gertrude Douglas.

— Quoi ! s’écria Glanville d’un ton élevé qu’il réprima à l’instant et qui finit par un murmure faible et inarticulé, combien il y a de temps que je n’ai entendu ce nom ! et maintenant… maintenant… » Il s’interrompit brusquement, puis reprit d’une voix plus calme : « Je ne sais comment vous avez pu apprendre son nom : peut-être me l’expliquerez-vous ?

— Je l’ai appris de Thornton, dis-je.

— Et vous en a-t-il dit davantage ? s’écria Glanville, comme suffoqué. — La terrible histoire…

— Pas un mot, me hâtai-je de dire ; il était avec moi quand je trouvai le portrait, et il m’a expliqué les initiales.

— C’est bien ! répondit Glanville se remettant, vous allez voir tout à l’heure si j’ai des raisons pour voir avec plaisir ces infâmes lèvres profaner l’histoire que je suis en train de vous raconter. Gertrude était fille unique ; quoique de sang noble, elle n’était un parti convenable pour moi ni par le rang ni par la fortune. Ne vous disais-