Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/159

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mes sentiments ; sinon, c’est en vain que j’espérerais votre sympathie.

« Jamais je n’ai aimé à demeurer longtemps dans le même endroit. Nous traversâmes la plus grande partie de l’Angleterre et de la France. Quels doivent être les charmes de l’amour quand il est accompagné de l’innocence et de la joie, puisque, même dans le péché, dans le remords, dans le chagrin, il donne un ravissement auprès duquel tout le reste est sans saveur ! Oh ! c’étaient là des instants trempés dans le véritable élixir de vie ; des moments où l’âme débordait des flots pressés de la tendresse et de la sympathie, où le cœur était trop plein pour parler et trop agité pour se taire ! C’est alors que je posais mon front brûlant sur son sein, et je sentais, pendant que ma main pressait les siennes, que mes visions s’étaient réalisées, et que mon humeur vagabonde s’était enfin près d’elle fixée dans le repos.

« Je me rappelle, comme si j’y étais, qu’une nuit, nous traversions une des plus belles parties de l’Angleterre ; c’était dans toute la plénitude et tout l’éclat de l’été, et la lune remplissait de sa présence le vaste ciel de juin et répandait une plus triste et plus pâle beauté sur le visage de Gertrude. Elle était toujours d’une humeur mélancolique et abattue ; c’est un rapport de plus qu’elle avait avec moi ; cette nuit-là, quand je jetai les yeux sur elle, je ne fus pas surpris de voir ses yeux pleins de larmes. « Vous allez vous moquer de moi, dit-elle, pendant que je les essuyais avec mes baisers et que je lui en demandais la cause ; mais j’ai un pressentiment que je ne puis chasser ; il me dit qu’avant quelques mois, vous traverserez de nouveau cette route, mais que moi je ne serai pas avec vous, ni peut-être même sur cette terre. » Elle avait raison dans ses pressentiments, elle ne se trompait que sur la date de sa mort qui n’arriva que plus tard.

« Nous choisîmes notre résidence pour quelque temps dans une position magnifique à peu de distance d’un petit établissement de bains. Ce fut là qu’à ma grande surprise, je rencontrai Tyrrell. Il était venu, en partie pour voir un parent sur lequel il fondait quelques espérances, et en partie pour refaire sa santé fort endommagée par ses dérégle-