Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ments et ses excès. Je ne pouvais refuser de renouer connaissance avec lui ; et, véritablement, je le pensais trop homme du monde et de société pour sentir avec lui, au sujet de Gertrude, cette singulière délicatesse qui me faisait éviter en général tout commerce avec mes anciens amis. Il était dans un grand embarras pécuniaire, beaucoup plus profond que je ne l’imaginais alors ; car je croyais que cet embarras n’était que momentané. Cependant ma bourse, comme auparavant, fut à sa disposition, et il ne se fit pas faute d’y puiser largement. Il venait fréquemment à la maison ; la pauvre Gertrude, qui pensait que j’avais, pour l’amour d’elle, fait un sacrifice réel en renonçant à mes connaissances, s’efforçait de vaincre sa défiance habituelle, et un sentiment, plus pénible que la défiance, bien naturel dans sa position ; elle affectait même de trouver dans la société de mon ami un plaisir qu’elle était bien loin d’éprouver.

« Je fus retenu à *** pendant plusieurs semaines par l’accouchement de Gertrude. L’enfant, heureuse créature ! mourut huit jours après sa naissance. Gertrude était encore au lit qu’elle ne pouvait quitter, quand je reçus un lettre d’Hélène, qui me disait que ma mère était arrêtée alors à Toulouse, et dangereusement malade. Si je désirais la voir encore une fois, Hélène pensait que je n’avais pas de temps à perdre pour me mettre en route et traverser le détroit. Vous pouvez vous imaginer ma situation, ou plutôt vous ne le pouvez pas, car vous ne sauriez concevoir la plus petite partie de cet immense amour que je portais à Gertrude. Pour vous, pour tout autre homme, ce n’eût pas été un sacrifice bien pénible peut-être de la quitter, même pour un laps de temps incertain ; pour moi c’était comme si l’on m’arrachait la vie.

« Je lui procurai une sorte de demi-compagne et de demi-garde : je pourvus pour elle à tout ce que l’amour le plus inquiet et le plus rempli de sollicitude peut suggérer ; et, l’esprit tourmenté de sombres présages, je me rendis à la hâte vers le premier port de mer où je mis à la voile pour la France.

« Quand j’arrivai à Toulouse, ma mère était beaucoup