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mieux, mais encore dans un état de santé très-incertain et très-inquiétant. Je demeurai avec elle pendant plus d’un mois, durant lequel chaque courrier m’apporta quelques mots de Gertrude et lui reporta un message de « mon cœur au sien » en retour. Ce n’était pas une petite consolation, d’autant plus que chaque lettre annonçait un progrès dans les forces et dans la santé. À la fin du mois, je me préparais au retour, ma mère se remettait tout doucement et je n’avais plus de craintes pour elle ; mais il y a dans notre destinée de ces chaînons mystérieux qui sont fatalement enlacés les uns aux autres et qui ne se démêlent que dans les angoisses de notre dernier arrêt. La veille du jour fixé pour mon départ, j’étais allé dans une maison où sévissait une maladie épidémique ; la nuit je me plaignis d’une oppression cruelle ; avant le matin j’étais en proie à une fièvre violente.

« Tant que j’eus la connaissance de mon état, j’écrivis constamment à Gertrude, en lui cachant avec soin ma maladie ; mais pendant plusieurs jours je fus dans le délire. Quand je recouvrai le sentiment je demandai avec empressement mes lettres ; il n’y en avait pas : — pas une ! Je ne pouvais pas croire que je fusse éveillé ; cependant les jours continuaient à s’écouler, et pas une ligne d’Angleterre — de Gertrude. Dès que je le pus, j’insistai pour que l’on mît les chevaux à ma voiture ; je ne pouvais endurer plus longtemps les tortures de mon incertitude. Je pressai mon voyage autant que le permettait ma faiblesse : enfin j’arrivai en Angleterre. Je descendis à *** par la même route que j’avais suivie avec elle. Les moindres paroles de son pressentiment prophétique, à cette époque, tombaient sur mon cœur comme de la glace : « Avant quelques mois vous traverserez de nouveau cette route, mais moi, je ne serai pas avec vous, ni peut-être même sur cette terre ! » À cette pensée j’aurais, je crois, demandé comme un bienfait à la tombe de s’ouvrir pour moi. Son silence inexplicable et prolongé en dépit de toutes les pressantes instances, de toutes les sollicitations de mes lettres, me remplissait des plus affreux pressentiments. Ah ! Dieu ! ah ! Dieu ! ce n’était rien en comparaison de la vérité !