Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/162

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« Enfin j’arrivai à ***. Ma voiture s’arrêta devant la maison même ; j’avais un frisson glacial ; je tremblais de tous mes membres ; la glace de mille hivers semblait se figer au milieu de mon sang. La sonnette résonne une fois, deux fois, pas de réponse ; j’aurais voulu sauter hors de la voiture ; j’aurais voulu forcer l’entrée, mais j’étais incapable de me mouvoir. Un homme enchaîné dans son cauchemar, sous l’oppression magique de l’incube qui l’étouffe, est moins anéanti que moi. Enfin, une vieille femme, que je n’avais jamais vue auparavant, parut.

« Où est-elle ? Comment ! » Je ne pus en articuler davantage ; mes yeux s’étaient fixés sur la figure curieuse et épouvantée que je voyais en face de moi. Mes regards, pensai-je, ont dit peut-être tout ce que mes lèvres n’ont pu prononcer ; je m’étais trompé ; la vieille femme ne me comprenait pas plus que je ne la comprenais moi-même. Une autre personne parut, je reconnus sa figure ; c’était celle d’une fille qui avait été à notre service. Croirez-vous qu’à cette vue, à la vue d’une personne dont les traits ne m’étaient pas inconnus et pouvaient s’attacher au souvenir de Gertrude respirant, vivant et présente, un frisson de joie courut en moi ; mes craintes semblèrent s’évanouir, le charme se rompre.

« Je m’élançai de la voiture ; je saisis la fille par sa robe. « Votre maîtresse, dis-je, votre maîtresse ; elle se porte bien ; elle est vivante ? parlez, parlez ! » La fille poussa un cri ; ma véhémence, et peut-être ma maigreur et l’altération de mes traits lui faisaient peur. Cependant elle avait les nerfs robustes de la jeunesse et fut bientôt rassurée. Elle me pria d’entrer, elle allait me raconter tout. Ma femme (Gertrude avait toujours porté ce nom) était vivante, et elle la croyait en bonne santé, mais il y avait quelques semaines qu’elle était partie. Tremblant et plein de crainte encore, mais transporté dans les cieux, par comparaison avec ma première douleur, je suivis la fille et la vieille femme dans la maison.

« La première me présenta de l’eau. Maintenant, dis-je, quand j’en eus bu un grand coup avec délices, je suis prêt à entendre tout ; ma femme a quitté cette maison, dites-