Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/167

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terrible aversion. Cependant à tout moment, elle proférait des paroles qui me glaçaient jusqu’à la moelle des os ; des mots que je n’aurais pas osé croire quand ils auraient eu quelque sens et quelque vraisemblance dans leur extravagance, mais qui pénétraient dans mon cerveau et s’y déchaînaient comme la flamme dévorante d’un incendie. Il y avait de la vérité dans ce délire, de la raison dans cette incohérence, et mon calice n’était pas encore plein.

« Enfin, un médecin, qui me parut avoir plus de connaissance que les autres des mystérieux effets de son affreuse maladie, me conseilla de la conduire dans les lieux qui avaient servi de théâtre à sa première enfance. « Ce sont là les scènes, disait-il avec raison, qui de toutes celles de la vie laissent le plus tendre souvenir ; et j’ai remarqué dans beaucoup de cas de folie qu’on se rappelle plus aisément les lieux que les personnes ; peut-être si nous pouvions seulement rattacher un des anneaux de la chaîne, rétablirait-il la communication avec les autres. »

« Je suivis ce conseil, et je partis pour Norfolk. Sa première habitation n’était éloignée que de quelques milles du cimetière où vous m’avez rencontré une fois et dans lequel sa mère avait été enterrée. Elle était morte avant la fuite de Gertrude ; la mort du père l’avait suivie de près ; peut-être mes souffrances n’étaient-elles qu’une juste punition qui m’était infligée en retour. La maison avait passé en d’autres mains et je n’eus pas de difficulté à m’en accommoder. Grâce au ciel, le chagrin de rencontrer quelqu’un des parents de Gertrude me fut épargné.

« Il était nuit quand nous nous rendîmes à la maison. J’avais placé dans la chambre où elle avait l’habitude de coucher tout l’ameublement et les livres qui d’après mes informations, s’y trouvaient autrefois. Nous la déposâmes dans son ancien lit de jeune fille. Je me cachai dans un coin de la chambre, et comptai les minutes tristes et monotones jusqu’à ce que la lumière du jour commençât à poindre. Je passe les détails, cette expérience réussit en partie. Hélas ! elle ne réussit que trop. Plût à Dieu qu’elle fût descendue dans la tombe sans révéler son épouvantable secret ! Plût à Dieu, mais… »