Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/168

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Ici la voix de Glanville défaillit, et il y eut un court instant de silence avant qu’il recommençât à parler.

« Gertrude, dès ce moment, eut beaucoup d’intervalles lucides ; mais ma présence suffisait toujours pour les changer en délires extravagants, plus incohérents même que jamais n’avait été sa folie. Elle cherchait à se sauver de moi avec des cris d’épouvante ; elle ensevelissait sa figure dans ses mains et ressemblait à une personne oppressée, obsédée par une apparition surnaturelle, tout le temps que je restais dans la chambre. Du moment que je la quittais, elle commençait, petit à petit, à se remettre un peu.

« Mais la plus amère de toutes les afflictions pour moi, c’est que l’on m’empêchait de la garder, de veiller sur elle, d’en prendre soin, c’était comme si l’on m’eût ravi ma dernière espérance. L’insouciant ou l’homme du monde ne peuvent pas comprendre la profondeur d’un véritable amour ; j’avais l’habitude d’attendre tout le jour à sa porte, et je ne puis dire quel bonheur c’était pour moi de saisir ses accents, ou de l’entendre se mouvoir, soupirer, pleurer même. Toute la nuit, comme elle ne pouvait se douter de ma présence, je couchais à terre près de son lit ; et quand il m’arrivait de tomber dans un sommeil court et convulsif au milieu de mes rêves rapides et vaporeux, je la voyais encore avec tout l’amour dévoué, toute l’éclatante beauté qui faisaient autrefois mon unique bonheur, mon univers.

« Un jour on m’appela de mon poste auprès de sa porte, mais on vint me chercher à la hâte, elle était tombée dans de violentes convulsions. Je volai au haut de l’escalier, et je la soutins dans mes bras jusqu’à ce que l’accès eût cessé ; alors nous la remîmes au lit ; jamais elle ne s’en releva plus. Mais sur ce lit de mort, les paroles, aussi bien que la cause de son ancienne folie, furent expliquées, le mystère fut dévoilé.

« C’était par une nuit calme et sans un souffle de vent. La lune, qui était dans son déclin, entrait par les volets à moitié fermés, et, sous sa grave et éternelle clarté, Gertrude se rendit à mes prières et me révéla tout. Cet homme, mon ami, Tyrrell avait souillé ses oreilles de ses