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CHAPITRE LXXV


« Grâce au ciel, la partie la plus pénible de mon histoire est terminée. Vous pourrez maintenant vous expliquer notre rencontre au cimetière. Je m’assurai un logement dans une chaumière non loin du lieu qui contenait les restes de Gertrude. Toutes les nuits j’errais dans cet endroit solitaire, et je soupirais après une place de repos à côté de la dormeuse dont j’enviais la couche dans l’égoïsme de mon âme. Je me prosternais sur le tertre qui la recouvrait : je ne rougissais pas de verser des larmes. Dans le débordement douloureux de mon cœur j’oubliais les orageuses passions qu’il avait juré de satisfaire ; vengeance, haine, tout s’évanouissait. Je levais la tête vers les cieux pour implorer leur pitié : j’adressais des exclamations à l’air silencieux et tranquille ; et quand je ramenais mes regards sur ce tertre insensible, je ne pensais à rien qu’à la douceur de nos jeunes amours, à l’amertume de sa mort prématurée. Ce fut dans de tels moments que vos pas vinrent interrompre ma douleur : dès l’instant que d’autres m’avaient vu, que d’autres yeux avaient pénétré dans le sanctuaire de mes regrets, dès cet instant, ce qu’il y avait encore de tendresse et de sentiments pieux et saints dans les ténèbres de mon esprit sembla s’évanouir comme un songe confus. Je revins au souvenir cruel, inexorable, qui devait être désormais la clef et le pivot de mon existence. Je me rappelai la dernière nuit de la vie de Gertrude ; je frissonnai en pensant à ces mots,