Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/171

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murmurés à voix basse, dont le sens terrible avait brisé mon âme. Je sentis encore la froide et terrible étreinte de ses doigts amaigris et mourants ; je retrempai de nouveau mon cœur dans une volonté de fer, et jurai une profonde, une éternelle, une implacable vengeance.

« Le lendemain du jour où vous m’aviez vu, je quittai ma demeure. J’allai à Londres et j’essayai de mettre en ordre ces plans de vengeance. La première chose à découvrir était la demeure actuelle de Tyrrell. J’appris, par hasard, qu’il était à Paris, et, deux heures après en avoir reçu l’avis, je partis pour cette ville. Lorsque j’arrivai là, ses habitudes de joueur le découvrirent bientôt à mes recherches. Je le vis un soir dans une maison de jeu. Il était évidemment dans une position embarrassée, et la fortune du tapis vert était contre lui. Sans qu’il m’aperçût, je délectais mes yeux de l’altération progressive de sa physionomie, à mesure que ces péripéties mortelles, poignantes, qui ne se rencontrent qu’à la table de jeu, se peignaient dans ses traits. Tandis que je l’examinais, une pensée de vengeance plus exquise et plus raffinée que jamais vint illuminer mon esprit ; tout entier à la méditation de cette conception infernale, j’allai dans la pièce voisine qui était presque vide. Là je m’assis, pour essayer de développer avec plus de détails et de perfection l’ébauche informe de mon plan.

« L’archi-tentateur me favorisa d’un fidèle allié dans mes projets. J’étais perdu dans mes rêveries quand je m’entendis appeler par mon nom. Je levai la tête, et vis un homme que j’avais souvent rencontré avec Tyrrell, tant à Spa qu’à l’établissement de bains où, en compagnie de Gertrude, j’avais rencontré Tyrrell. C’était un individu de basse naissance et de caractère plus bas encore : ce qui ne l’empêchait pas, grâce à sa grosse gaieté et à son assurance vulgaire, de passer pour un homme d’infiniment d’esprit, une sorte d’Yorick auprès des gens en rapport de goûts avec Tyrrell. Cette réputation bien peu justifiée, et l’habitude du jeu qui met de niveau tous les rangs, l’avait élevé, dans certaines sociétés, bien au-dessus du sien. Ai-je besoin de vous dire que cet homme était Thornton ? Je ne le connaissais que fort légèrement ; cependant il m’accosta avec