Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cordialité et s’efforça d’entrer avec moi en conversation. « Avez-vous vu Tyrrell ? dit-il ; il y est retourné ; qui a bu, boira…, vous savez. » Je me tournai tout pâle en entendant prononcer le nom de Tyrrell, et je répondis très-laconiquement, je ne sais plus quoi. « Ah ! ah ! répliqua Thornton, m’examinant avec un air d’impertinente familiarité, je vois que vous ne lui avez pas pardonné ; il est vrai qu’il vous a joué un vilain tour à *** ; il a séduit votre maîtresse, ou quelque chose comme cela. Il m’a conté toute l’affaire : comment, je vous prie, se porte maintenant la pauvre fille ? »

« Je ne fis pas de réponse ; je m’affaissai sur moi-même : j’étais suffoqué. Tout ce que j’avais souffert ne me semblait rien auprès de l’indignité que j’endurais alors. Elle, elle ! qui autrefois avait été mon orgueil, mon honneur, ma vie, voilà comme on parlait d’elle. Je ne pouvais m’appesantir sur cette idée. Je me levai à la hâte, et jetant sur Thornton un coup d’œil qui aurait couvert de confusion un homme moins impudent et moins endurci que lui, je quittai la pièce.

« Cette nuit, pendant que je m’agitais dans l’insomnie de la fièvre sur mon lit d’épines, je me dis que Thornton pouvait m’être utile pour l’exécution du plan que j’avais formé. Dès le lendemain matin je me mis à sa recherche. J’achetai (ce n’était pas très-difficile) à la fois sa discrétion et son aide. Mon plan de vengeance, aux yeux d’un homme qui n’aurait pas étudié comme vous les variétés de la nature humaine, pourrait paraître bien subtil et bien recherché ; car pendant que les gens superficiels sont disposés à admettre comme toute naturelle l’excentricité dans le calme et le sang-froid de la vie ordinaire, ils ne veulent pas reconnaître qu’elle puisse exister dans la fougue des passions. Comme si, en de pareils moments, on pouvait regarder comme absurde aucun des moyens qui peuvent conduire au but. Si l’on pouvait mettre à nu les secrets d’un cœur agité par la passion et ses palpitations désordonnées, il s’y trouverait beaucoup plus de romanesque que dans toutes les fables dont nous nous détournons avec incrédulité et que nous traitons avec dédain, comme des exagérations hyperboliques.

« Parmi les mille plans de punition qui s’étaient suc-