Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/174

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« Poussé par la fièvre de ces projets impies, je ne pensai plus qu’à les accomplir. J’employai Thornton, qui restait lié avec Tyrrell, à l’attirer de plus en plus à la maison de jeu, et comme, au gré de mon impatience, les chances inégales de la table publique n’étaient pas assez rapides dans leurs résultats pour consommer la ruine d’un joueur, même aussi véhément et aussi impétueux que Tyrrell, Thornton saisissait toutes les occasions de l’engager dans quelque jeu particulier et d’accélérer la crise par les artifices illicites dans lesquels il était passé maître. Mon ennemi avançait chaque jour vers les derniers degrés de la ruine ; de proches parents il n’en avait aucun ; tous ses parents éloignés, il les avait désobligés ; tous ses amis et même ses simples connaissances, il les avait fatigués de ses importunités ou dégoûtés par sa conduite. Dans le monde entier il semblait ne pas avoir un être qui voulût lui tendre une main secourable pour le sauver de la misère la plus absolue. Tout ce qu’il avait pu sauver des débris de son ancienne fortune, tout ce qu’il avait pu mendier auprès de ses anciens amis, avait été immédiatement risqué à la maison de jeu, et perdu aussitôt.

« Peut-être cela ne fût pas arrivé si vite, si Thornton n’eût pas habilement nourri et soutenu ses espérances. Il avait été longtemps employé par Tyrrell en qualité d’agent d’affaires ; il connaissait bien toutes celles du joueur ; et quand il promettait, au pis aller, de trouver quelque expédient pour les relever, Tyrrell adoptait facilement une assurance aussi flatteuse.

« Sur ces entrefaites, j’avais pris le nom et le déguisement sous lesquels vous m’avez rencontré à Paris. Thornton m’avait présenté à Tyrrell comme un jeune Anglais d’une grande richesse et d’une inexpérience plus grande encore. Le joueur alla vivement au devant d’une connaissance dont Thornton lui persuada facilement qu’il pourrait tirer si grand parti. Je pus ainsi noter, jour par jour, que mon projet réussissait, que ma vengeance marchait rapidement à son triomphe,

« Ce n’est pas tout. J’ai dit qu’il n’y avait pas dans le monde entier un être qui voulût sauver Tyrrell du sort qu’il avait