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nous convînmes qu’il donnerait à Tyrrell le conseil de risquer tout, contre moi, tout, jusqu’à son dernier liard, dans une partie. Tyrrell, qui comptait bien, pour se refaire, sur mon inexpérience au jeu, tomba aisément dans le piège ; et la seconde nuit de notre partie il avait perdu non-seulement le reste de son petit avoir, mais il avait signé des billets pour une somme bien trop importante, pour s’en acquitter jamais.

« Enorgueilli, enflammé presque fou de mon triomphe, je cédai à la joie du moment. Je ne savais pas que vous fussiez si près. Je me découvris ; vous vous rappelez la scène. Je rentrai joyeux chez moi ; et pour la première fois depuis la mort de Gertrude, je fus heureux. Là seulement je m’imaginais qu’allait commencer ma vengeance ; je me réjouissais dans l’espoir brûlant de contempler la faim et toutes ses horreurs. Le jour suivant, quand Tyrrell se tourna dans son désespoir vers celle qu’il croyait son amie fidèle, sa dernière amie sur la terre le railla et s’éloigna de lui.

« Remarquez bien, Pelham, que j’étais là tout près et que j’entendis tout.

« Mais là devait finir brusquement ma vengeance. Au moment où ma soif ne demandait qu’à se satisfaire, tout à coup la coupe est arrachée de mes lèvres. Tyrrell disparut ; personne ne savait où il était. Je mis Thornton en campagne. Une semaine après il m’envoya dire que Tyrrell était mort dans le dernier dénûment, de faim et de désespoir. Croiriez-vous qu’en apprenant cette nouvelle, mes premiers sentiments furent seulement de la rage et du désappointement ! C’est vrai, il était mort, mort dans toute la misère que mon cœur pouvait lui souhaiter, mais je ne l’avais pas vu mourir.

« Je ne sais pas encore aujourd’hui, quoique souvent je l’aie questionné, quel intérêt Thornton avait à me tromper par ce conte. Pour ma part je crois qu’il était trompé lui-même ; il est certain, (car je m’en suis informé) qu’une personne, répondant parfaitement au signalement de Tyrrell, avait péri dans l’état indiqué par Thornton ; et c’est là sans doute ce qui l’avait jeté dans l’erreur.