Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/177

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« Je quittai Paris, et je retournai en Normandie, de là en Angleterre (où je restai quelques semaines) ; là je vous rencontrai de nouveau, mais je pense que ce ne fut qu’après avoir été persécuté par les insolences et les importunités de Thornton. Les instruments de nos passions sont à deux tranchants ; comme ces monarques, qui employaient des animaux monstrueux dans leurs armées, nous découvrons que nos perfides alliés sont moins pernicieux pour les autres que pour nous-mêmes. Mais je n’étais pas d’un caractère à souffrir patiemment les railleries et la domination d’une de mes créatures. J’avais eu assez de peine à endurer sa familiarité, quand j’avais absolument besoin de ses services. Ce n’était pas pour supporter son indiscrétion quand ces services, non d’amitié mais d’intérêt, n’étaient plus désormais nécessaires. Thornton, comme tous les drôles de son espèce, avait un bas orgueil que je blessais sans cesse. Il s’était trouvé sur un pied de familiarité avec des gens qui étaient plus que mes égaux par le rang ; et il ne pouvait souffrir la hauteur avec laquelle mon dégoût pour son caractère me forçait de le traiter. Il est vrai que la profusion de mes libéralités était telle, qu’elle faisait digérer au malheureux les affronts dont il était si largement payé ; cependant, avec la haine rusée et malicieuse qui lui était naturelle, il savait bien me les rendre en nature. Tout en m’aidant, il affectait de tourner ma vengeance en ridicule ; et quoiqu’il vît bientôt qu’il ne pouvait oser, sans péril pour sa vie, souffler un mot contre Gertrude, ou contre sa mémoire, cependant il essayait par des remarques générales et des insinuations perfides de me piquer au vif sur les points mêmes les plus délicats. De là une profonde et cordiale antipathie qui naquit entre nous, grandit, se fortifia, jusqu’à ce que, je crois, semblable aux Furies dans les enfers, notre haine mutuelle devînt notre commun châtiment.

« À peine fus-je retourné en Angleterre, que je l’y trouvai, attendant mon arrivée. Il me favorisa de nombreuses visites et de fréquentes demandes d’argent. Quoiqu’il ne fût en possession d’aucun secret qui inté-