Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/178

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ressât véritablement mon honneur, il savait bien qu’il en possédait un qui importait à ma tranquillité ; et il en profitait habilement. À la fin cependant, il me lassa. Je découvris qu’il s’enfonçait de plus en plus dans la lie et le rebut de la société, et je ne pus supporter plus longtemps l’idée d’endurer sa familiarité et d’entretenir ses vices.

« Je passe les détails de mes propres sentiments aussi bien que l’histoire de ma vie extérieure dans le monde. Il s’était fait dans mon esprit un grand changement ; je n’étais plus déchiré par des passions violentes et contraires ; sur la mer tumultueuse une morte et pesante torpeur s’était abattue, les vents même, nécessaires à la santé, avaient cessé.

« Je dormais sur l’abîme sans vagues. Une passion violente et qui nous absorbe entièrement est peut-être la pire de toutes les immoralités, car elle laisse l’esprit trop stagnant et trop épuisé pour l’activité et l’énergie qui font partie de nos devoirs réels. Cependant, maintenant qu’était écarté le sentiment qui régnait en tyran dans mon esprit, j’essayais de secouer l’apathie qu’il avait produite pour revenir aux occupations et aux affaires diverses de la vie. Tout ce qui pouvait me détourner de mes sombres souvenirs, ou donner un mouvement momentané à l’apathie de mon esprit, je m’y accrochais avec la passion et l’ardeur d’un enfant. Ainsi vous m’avez trouvé entouré de toutes les jouissances du luxe dont je me dégoûtais aussitôt que la nouveauté en était passée ; tantôt soupirant après les vanités de la gloire littéraire, tantôt après les vains hochets plus futiles encore que donne la richesse. Il fut un temps où je m’enfermais dans mon cabinet, pour m’appesantir sur les dogmes des savants et sur les erreurs des sages ; d’autres fois, je me plongeais dans les occupations plus entraînantes et plus actives de la foule vivante qui roulait autour de moi, et je me flattais qu’au milieu des applaudissements des sénateurs, et du tourbillon des affaires, je pourrais endormir les voix du passé et le spectre des morts.

« Si ces espérances se réalisèrent, et, si je ne livrai pas