Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/179

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là un combat inutile, vous n’avez, pour le savoir, qu’à regarder cette figure égarée, ce corps tous les jours penché davantage vers l’ombre du tombeau ? Mais je vous ai promis de ne pas m’étendre sur cette partie de mon histoire ; aussi bien n’est-ce pas nécessaire. Il y a pourtant une chose, une seule chose, qui ne se rattache pas précisément à mes confessions, et dont il est juste que je parle pour l’amour d’un être sensible et innocent.

« Dans le monde froid et indifférent que je fréquentais, il y avait un cœur qui depuis des années s’était entièrement donné à moi. Dans ce temps-là, j’ignorais le don que je méritais si peu, ou bien (car c’était avant que je connusse Gertrude) j’aurais pu le payer de retour et éviter des années de crime et d’angoisses. Depuis lors, la personne à laquelle je fais allusion s’était mariée, et, par la mort de son mari, elle était redevenue libre une seconde fois. Intimement liée avec ma famille et plus particulièrement avec ma sœur, elle me rencontrait alors constamment. Sa compassion pour le changement qu’elle remarquait en moi était plus forte même que sa réserve, et c’est la seule raison pour laquelle je parle d’un attachement qu’autrement j’aurais dû cacher. Je crois que vous avez déjà compris de qui je veux parler, et puisque vous avez découvert sa faiblesse, il est juste que vous connaissiez aussi sa vertu ; il est juste que vous appreniez qu’en elle ce ne fut pas le caprice ou la passion d’un moment, mais un amour long et caché ; ce fut par pitié, et non par un mépris de l’opinion peu fait pour son sexe, qu’elle ne craignit pas de hasarder quelques imprudences. Enfin elle est, en ce moment, innocente de toute chose, hormis peut-être de la folie de m’aimer.

« Je passe au temps où je découvris que, soit exprès soit sans intention, j’avais été trompé, et que mon ennemi vivait encore ! qu’il vivait honoré, prospère, entouré des faveurs du monde. Toutes les pensées orageuses, les sentiments, les passions, depuis longtemps calmées, se précipitèrent de nouveau dans une mêlée terrible et tumultueuse. Le lit tranquille où s’était reposé mon esprit fut balayé bien loin ; tout sembla naufrage, convulsion