Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/181

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affectait de me traiter comme un fou. Peut-être (et je confesse que l’incohérence de ma lettre autorisait ce soupçon), croyait-il que je l’étais réellement. Il terminait en disant que s’il recevait encore de mes lettres, il se mettrait à l’abri de mes attaques sous la protection des lois.

« Au reçu de cette réponse, une résolution inflexible, opiniâtre, une volonté de fer pénétra dans mon sein. Je ne trahis mon agitation par aucune marque extérieure ; je m’assis en silence, je plaçai cette lettre et le portrait de Gertrude devant moi. Là, silencieux et sans mouvement, je demeurai des heures. Je me souviens que je fus éveillé de ma sombre rêverie par l’horloge qui sonnait la première heure du matin. À ce son solitaire et sinistre les souvenirs d’effroi romanesque que les fables de notre enfance y ont attachés se précipitèrent froids et lugubres dans mon esprit ; des gouttes glacées tombaient de mon front ; le sang se figeait dans mes veines. À ce moment je tombai à genoux et proférai le frénétique et terrible serment, dont maintenant je n’oserais répéter les mots, qu’avant trois jours expirés, l’enfer ne serait plus privé de sa proie. Je me levai, je me jetai sur mon lit, et je dormis.

« Le lendemain je quittai ma demeure, j’achetai un cheval vigoureux et rapide, et, me dissimulant de la tête aux pieds sous un long manteau de cavalier, je m’en allai seul, renfermant dans mon cœur la calme et froide conviction que mon serment serait tenu. Je plaçai, cachés dans mes vêtements, deux pistolets ; mon intention était de suivre Tyrrell partout où il irait, jusqu’au moment où nous nous trouverions seuls et sans crainte d’aucun dérangement. Alors j’étais déterminé à le forcer au combat, et, pour qu’aucun tremblement de la main, aucune erreur de la vue troublée ne pût trahir mon but, à nous placer pied contre pied, et la bouche de chaque pistolet à la tempe de chaque antagoniste, et je ne fus pas détourné un moment de cette résolution en songeant que ma propre mort devait être aussi certaine que celle de ma victime. Au contraire, cette manière de mourir et de déjouer ainsi