Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/182

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la mort plus lente, mais non moins sûre qui me minait de jour en jour, je l’envisageais avec la même joie farouche, fiévreuse, avec laquelle tant d’hommes se sont précipités au combat et ont cherché une mort qui leur était moins cruelle que la vie.

« Pendant deux jours, quoique chaque jour je visse Tyrrell, le destin ne m’offrit aucune occasion d’exécuter mon dessein. Le surlendemain arriva, Tyrrel était sur le champ de courses ; certain qu’il y resterait quelques heures, je mis mon cheval fatigué à l’écurie dans la ville, et, m’asseyant dans un coin obscur de la course, je me contentai de le surveiller de loin, comme le serpent fait sa victime. Peut-être vous souvenez-vous d’avoir passé devant un homme assis à terre dans un manteau de cavalier. Je n’ai pas besoin de vous dire que c’était moi. Je vous vis galoper près de moi, mais dès que vous fûtes parti j’oubliai cet incident : car je contemplais la foule qui roulait au loin, comme un enfant observe les figures de la fantasmagorie, sachant à peine si mes yeux ne me trompaient pas, me sentant envahi par une sorte de sensation de stupeur et d’effroi, et caressant la conviction que ma vie ne ressemblait pas à celle des créatures qui passaient devant moi.

« Le jour décroissait, je retournai chercher mon cheval, je revins aux courses, et, me tenant assez loin pour ne point exciter de soupçons, je suivis les mouvements de Tyrrell. Il rebroussa chemin vers la ville, s’y reposa, se rendit à une maison de jeu, y resta peu de temps, retourna à son hôtel et demanda son cheval.

« Dans tous ces mouvements je ne perdais pas de vue l’objet de ma poursuite ; et mon cœur bondit de joie quand, enfin, je le vis sortir seul. Je le suivis jusqu’à ce qu’il laissât la grande route. Alors je pensai que le moment pour moi était arrivé. Je doublai le pas, et je l’avais presque atteint, lorsque quelques cavaliers venant à paraître me forcèrent à ralentir ma course. D’autres interruptions pareilles vinrent encore retarder l’exécution de mon projet. Enfin tout fut tranquille. J’éperonnai mon cheval, j’étais déjà sur les talons de mon ennemi, quand je