Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Quoi ! m’écriai-je, interrompant Glanville, car je ne pus me contenir plus longtemps, ce n’est pas par vous que Tyrrell est tombé ? » À ces mots, je saisis sa main, et surexcité comme je l’avais été par le pénible et émouvant intérêt de son récit, je fondis en pleurs de reconnaissance et de joie. Réginald Glanville était innocent. Hélène n’était pas la sœur d’un assassin !

Après une courte pause Glanville continua :

« Je contemplai fixement son visage tourné en l’air et bouleversé, dans un profond et morne silence ; une terreur sombre et vague se glissa dans mon cœur ; j’étais là debout sous la voûte solennelle et sacrée des cieux, et je sentais que la main de Dieu était étendue sur moi, qu’un mystérieux et redoutable arrêt venait d’être rendu, que ma colère téméraire et impie, au fort même de sa furie, avait été brisée, comme le vain emportement d’un enfant, que le plan que j’avais concerté dans la folle sagesse de mon cœur, avait été suivi, pas à pas, par un œil qui voit tout, et déjoué au moment de son succès présumé, par un impénétrable et terrible jugement. J’avais souhaité la mort de mon ennemi, eh bien ! mon souhait était accompli. Comment ? je ne pouvais le savoir ni le deviner ; là, un morceau d’argile inerte et insensible, incapable de faire ou de souffrir une injure était gisant à mes pieds. Il semblait que, au moment où mon bras s’était levé, le Divin Vengeur eût réclamé sa prérogative, que l’ange qui avait frappé l’Assyrien, eût immolé encore cette vulgaire victime, et qu’en punissant la faute d’un mortel coupable, il l’eût soustrait par une barrière éternelle à la vengeance d’un ennemi mortel !

« Descendant de cheval, je me penchai sur l’homme ainsi frappé d’une mort inattendue. Je tirai de mon sein la miniature qui ne me quittait jamais et je trempai l’image de Gertrude dans le sang du traître qui l’avait abusée. À peine avais-je fini que mon oreille entendit un bruit de pas ; je rejetai, à la hâte, je le crus du moins, la miniature dans mon sein, et remontant à cheval je me sauvai précipitamment. À cette heure, et pendant plusieurs autres qui lui succédèrent, je crois que tout sen-