Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/185

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timent fut suspendu en moi. J’étais comme un homme assailli par un rêve qui dirige ses pas errants, ou comme le possédé pour lequel le monde vivant, le monde de l’activité et des affaires n’est qu’une terre habitée par des figures imaginaires, des ombres flottantes, et pleine des monstres enfantés par les ténèbres et les terreurs de la tombe.

« Ce ne fut que le jour suivant que je m’aperçus que le portrait me manquait, je retournai sur les lieux, je le cherchai avec le plus grand soin, mais en vain, je ne pus le retrouver ; je revins à la ville, et bientôt après les journaux m’informèrent de ce qui était arrivé ensuite. Je vis avec épouvante que toutes les apparences me désignaient comme le coupable, et que les officiers de police étaient occupés en ce moment de mon manteau et de la couleur de mon cheval qui semblaient les mettre sur la voie. Ma mystérieuse poursuite sur les pas de Tyrrell, le déguisement que j’avais pris, mon apparition devant vous sur la route et ma fuite à votre approche, valaient des volumes de témoignages contre moi. Un indice plus fort restait encore et il était réservé à Thornton de le révéler. À ce moment ma vie était entre ses mains. Peu de temps après mon retour à la ville, il força l’entrée de ma chambre, ferma la porte, mit le verrou, et, dès que nous fûmes seuls, me dit avec une sauvage expression de triomphe et de défi : « Sir Réginald Glanville, vous m’avez plusieurs fois, souvent même, insulté par votre orgueil et plus encore par vos dons. Maintenant c’est à mon tour de vous insulter et de triompher de vous, sachez qu’un mot de moi pourrait vous envoyer au gibet !

« Il récapitula alors en détail les indices qui existaient contre moi, et tira de sa poche la lettre menaçante que j’avais écrite la dernière fois à Tyrrell. Vous vous rappelez que dans cette lettre je disais que ma vengeance était déchaînée contre lui, et que, tôt ou tard, elle l’atteindrait.

« Joignez, dit Thornton froidement, en remettant la lettre dans sa poche, joignez ces mots aux preuves qui existent déjà contre vous, et je ne donnerais pas un farthing de votre vie. »

« Comment Thornton s’était-il procuré ce papier si impor-