Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/191

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miens. Tombant à genoux je saisis sa main ; je la couvris de mes baisers ; elle ne la retira pas. En levant les yeux, je pus lire dans les siens tout ce qu’avait espéré mon cœur, sans oser se flatter du succès.

« Vous, vous ! dit-elle, quand enfin elle put trouver des paroles ; je m’étais imaginé que vous ne pensiez qu’à l’ambition et au monde ; je ne me serais jamais figuré cela. » Elle s’arrêta, rougissante et embarrassée.

« Il est vrai, lui dis-je, que vous aviez le droit de penser ainsi, car, jusqu’à ce moment, je n’ai jamais soulevé à vos yeux un coin du voile qui vous cachait mon cœur avec ses secrets et violents désirs. Mais trouvez-vous que mon amour en soit moins un trésor parce qu’il était caché ? ou moins profond parce que je le cachais au fond de mon âme ? Non, non ; croyez-moi, cet amour ne devait pas être mêlé aux choses ordinaires de la vie ; il était trop pur pour être profané par les légèretés et les folies qui sont tout ce que j’ai voulu montrer de ma nature aux yeux du monde. Ne vous imaginez pas, si j’ai eu l’air d’un oisif avec les désœuvrés, d’un égoïste avec les gens intéressés, d’un homme froid, vain, et frivole avec ceux pour qui de pareilles qualités étaient à la fois un passe-port et une vertu ; ne vous imaginez pas pour cela que je n’avais rien en réserve au fond de l’âme de plus digne de vous et de moi. Mon amour même pour vous montre que je suis plus sage et meilleur que je ne l’ai paru. Parlez-moi, Hélène ; voulez-vous me permettre de vous appeler de ce nom ? dites-moi un mot, une syllabe ! parlez-moi, dites-moi que vous avez lu dans mon cœur et que vous ne me repousserez pas ? »

Il ne vint pas de réponse sur ces lèvres chéries ; mais leur doux et tendre sourire me dit que je devais espérer. Cette heure, je me la rappelle et la bénis encore ; cette heure fut la plus heureuse de ma vie.