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vers vous afin que votre retraite ne puisse être exposée au danger d’être connue même d’Hélène, et vous m’aurez à vos côtés jusqu’à… jusqu’à…

— Jusqu’à la fin ? interrompit Glanville. Ces larmes (les premières que j’aie versées depuis longtemps, bien longtemps) vous disent que je sens jusqu’au fond du cœur, votre amitié et votre attachement désintéressé. Mais au moment où votre amour pour Hélène vient d’être couronné de succès, je ne veux pas vous arracher au bonheur d’en jouir. Croyez-moi, tout ce que je pourrais retirer de votre société, ne me procurerait pas la moitié du bonheur que j’éprouverai à savoir que vous et Hélène vous êtes heureux l’un par l’autre. Non, non, ma solitude, à cette pensée, perdra toute son amertume. Vous entendrez parler de moi une fois encore ; ma lettre contiendra une demande, et cette dernière faveur que je réclamerai de vous devra vous consoler et satisfaire à la bonté de votre cœur. Pour moi, je mourrai comme j’ai vécu : seul. Toute société dans mes chagrins me semblerait étrange et importune. »

Je ne voulus pas laisser continuer Glanville. Je l’interrompis par de nouveaux arguments et de nouvelles prières, auxquels il semblait enfin disposé à se rendre, et j’avais la ferme espérance d’avoir vaincu sa détermination, quand nous fûmes frappés d’étonnement par un bruit soudain et violent dans le vestibule.

« C’est Thornton, dit Glanville avec calme. J’avais dit de ne pas le recevoir, et il entre de force. »

À peine sir Réginald avait-il parlé, que Thornton s’élança brusquement dans la chambre.

Quoiqu’il fût midi à peine, il était déjà à moitié ivre ; et ses yeux nageaient dans sa tête avec une expression hébétée de triomphe et d’insolence pendant qu’il les roulait en nous regardant tour à tour.

« Oh, oh ! dit-il, sir Réginald songeait à me brûler la politesse, n’est-ce pas ? Vos damnés domestiques me disaient que vous étiez sorti ; mais je les ai bientôt fait taire. Parbleu ! je les ai rendus aussi doux que des petits moutons ; ce n’est pas pour rien que j’ai appris à me servir de mes poings. Ainsi vous partez demain pour l’é-