Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/195

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se serait élancé sur Thornton, mais je le saisis et je l’arrêtai. Je lisais dans la figure malicieuse et colorée de son persécuteur tout le danger auquel une seule imprudence l’exposerait, et je tremblais pour son salut.

Je lui dit tout bas, en le forçant à se rasseoir : « Laissez-moi seul arranger les choses avec cet homme, et je vais tâcher de vous délivrer de lui. » Je n’attendis pas sa réponse, mais, me tournant vers Thornton, je lui dis froidement quoique civilement : « Sir Réginald Glanville m’a instruit de la nature des prétentions vraiment extraordinaires que vous lui manifestez. S’il suivait mon avis, il remettrait immédiatement l’affaire entre les mains de ses conseillers judiciaires. Sa mauvaise santé, néanmoins, le chagrin de quitter l’Angleterre, et le désir de sacrifier à peu près tout à son repos, l’engagent, plutôt que de prendre cette alternative, à faire taire vos importunités, en cédant à vos réclamations, tout illégales et injustes qu’elles sont. Si donc, vous honorez maintenant sir Réginald de votre visite, avec intention de lui faire une demande avant son départ de l’Angleterre, la dernière demande à laquelle il doive accéder, vous aurez la bonté de dire à quelle somme s’élèvent vos prétentions ; si elles sont raisonnables, je pense que sir Réginald voudra bien m’autoriser à dire qu’elle vous sera accordée.

— À la bonne heure ! cria Thornton, voilà ce que j’appelle parler en homme de bon sens ! et quoique je ne sois pas charmé d’avoir affaire à un tiers, quand la personne intéressée est là présente, cependant comme vous avez toujours été très-civil avec moi, je ne fais aucune difficulté de traiter avec vous. Veuillez passer ce papier à sir Réginald, s’il veut prendre la peine de le signer, il peut aller aux chutes du Niagara, je ne m’y oppose pas, je ne le gênerai pas ; ainsi ce qu’il a de mieux à faire est de poser la plume sur le papier et de se débarasser de moi tout d’un coup, car je reconnais qu’ici je suis aussi bien-venu que la neige pendant la moisson. »

Je pris le papier qui était plié et le donnai à Glanville qui se tenait appuyé sur le dos de sa chaise, à demi épuisé par la rage. Il y jeta un coup-d’œil, puis il le dé-