Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’homme aux deux vertus accomplit tout le pèlerinage d’Oxford-Street à petits pas et en se pavanant tout le long du chemin. Il s’arrêta à Cumberland-Gate, et là, regardant autour de lui, d’un air de gentleman indécis, sembla réfléchir s’il irait se joindre ou non aux flâneurs du parc. Heureusement pour cette société distinguée, ses doutes se terminèrent en sa faveur, et M. Job Jonson entra dans le parc. Chacun se pressait alors vers Kensington-Gardens ; l’homme aux deux vertus en conséquence coupa à travers le parc, pour prendre le plus court, quoique ce fût le chemin le moins fréquenté, décidé à faire aux amateurs de plaisirs champêtres le dangereux honneur de sa compagnie.

Aussitôt que j’aperçus qu’il n’y avait que peu de personnes dans le voisinage pour m’observer, et qu’elles se composaient d’un grand garde du corps avec sa femme, d’une famille de jeunes enfants avec leur bonne, et d’un pauvre capitaine éreinté des Indes-Orientales, qui se promenait pour faire du bien à son foie, je rattrapai l’incomparable Job, et lui faisant un profond salut, je l’abordai respectueusement de cette sorte.

« M. Jonson, je suis ravi de vous rencontrer encore, permettez que je vous rappelle la charmante matinée que j’ai passée avec vous dans le voisinage de Hampton-Court. Je m’aperçois, à vos moustaches et à votre habit militaire, que depuis ce jour, vous êtes entré dans l’armée ; je félicite d’une aussi admirable acquisition les troupes de la Grande-Bretagne. »

L’assurance de M. Jonson l’abandonna pour un moment, mais il ne fut pas long à se remettre. Il prit un air farouche, et relevant sa moustache, sourit amèrement, comme le gouverneur de Voltaire[1]. « Corblou ! monsieur, s’écria-t-il, prétendez-vous m’insulter ? Je ne connais aucun de vos messieurs Jonson, et c’est la première fois que je jette les yeux sur vous.

— Voyez-vous, mon cher M. Job Jonson, répliquai-je, comme je puis prouver non-seulement tout ce que je dis

  1. Don Fernand d’Ibarra.