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gnifique et d’un caractère aussi connu, je le fis marcher devant moi vers l’hôtel Mivart, et je le suivis de près, sans tourner jamais l’œil ni à droite ni à gauche, de peur qu’il n’essayât de m’échapper. Mais il n’y avait pas de danger, car M. Jonson était un homme hardi et rusé, et il n’avait pas grand besoin de se mettre en frais de pénétration pour découvrir que je n’étais ni un inspecteur de police ni un mouchard, et que je lui avais fait des ouvertures sérieuses. Il n’avait donc pas besoin d’un grand courage pour m’accompagner à mon hôtel.

Il y avait bon nombre d’étrangers de haut rang chez Mivart, et les garçons prirent mon compagnon pour un ambassadeur au moins. Il reçut leur hommage avec la dignité mêlée de condescendance naturelle à un homme de sa distinction.

Comme la journée n’était pas très-avancée, je crus dans les convenances de l’hospitalité d’offrir à M. Jonson quelques rafraîchissements. Il accepta sans cérémonie ma proposition. Je commandai quelques viandes froides et deux bouteilles de vin, puis me souvenant des vieilles maximes, je remis à parler de mon affaire jusqu’à ce qu’il eût terminé son repas. Je conversai avec lui simplement de lieux-communs ordinaires, et, dans un autre temps, je me serais singulièrement amusé du mélange d’impudence et de duplicité qui formait le fond de son caractère.

Enfin son appétit était satisfait, et l’une des bouteilles était vide, l’autre était devant lui. Le corps renversé avec aisance sur mon fauteuil de bureau, les yeux en apparence baissés vers la terre, mais me lançant à tout moment un regard pénétrant et curieux, M. Jonson se prépara pour notre conférence ; je crus que c’était le moment de commencer :

« Vous dites que vous êtes lié avec M. Dawson, où est-il à présent ?

— Je ne sais pas, répondit laconiquement Jonson.

— Allons, dis-je, pas de plaisanterie, si vous ne le savez pas, vous pouvez l’apprendre.

— Il est possible que je le puisse, mais il me faudrait du temps, reprit l’honnête Job.