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que notre club ne soit composé que de voleurs infimes. C’est précisément le contraire ; nous sommes une compagnie de gentlemen aventuriers qui portons les habits les plus élégants, montons les meilleurs chevaux, hantons les meilleures maisons de jeu, les réunions les plus distinguées, et quelquefois même nous mêlons à la première société de Londres. Notre nombre est limité ; nous n’avons rien de commun avec les fripons ordinaires, et si mes petits amusements particuliers (comme vous les appelez si bien), étaient connus dans la compagnie, il y a gros à parier que j’en serais chassé pour « pratiques indignes d’un gentleman. » Nous nous abaissons rarement à nous parler « argot » dans nos réunions ordinaires, mais nous le trouvons nécessaire dans beaucoup d’occasions où la fortune ne nous est pas favorable. La maison que nous allons visiter cette nuit est une espèce de colonie que nous avons établie pour toutes les personnes d’entre nous qui sont en danger de manger[1]. Elles demeurent là cachées quelquefois plusieurs semaines de suite, puis on finit par les embarquer pour le continent, ou par les faire rentrer dans le monde, dans un nouveau rôle, avec un autre nom. C’est dans ce refuge des malheureux que nous envoyons également tous ceux de la bande qui sont, comme Dawson, poursuivis par des scrupules capables de mettre la communauté en danger. Ils y restent comme dans un hôpital, jusqu’à la mort, ou jusqu’à la guérison. En résumé, cette maison et ses pensionnaires nous servent à nous défendre contre nos ennemis. La vieille Brimstone Bess, à laquelle je vais vous présenter, est, comme je vous l’ai déjà dit, la gardienne de la place. Le langage auquel se complaît le plus particulièrement cette respectable dame est celui dans lequel vous venez d’acquérir de si utiles connaissances. Partie pour lui faire la cour et partie par inclination, le dialecte adopté dans sa maison est presque entièrement « l’argot ! » Vous voyez donc bien s’il était nécessaire de ne pas paraître tout à fait novice dans une langue qui non-seulement est celle

  1. Trahir ses camarades. Terme d’argot.