Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/240

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me fier à vous ; le but que je veux atteindre m’est aussi précieux que la vie.

— Je regrette de n’avoir pas une lumière, reprit Job en réfléchissant ; j’aurais voulu voir votre figure ; mais voulez-vous me donner votre main, monsieur ? »

Je le fis, et Jonson la tint dans la sienne pendant plus d’une minute.

« Pardieu, monsieur, dit-il enfin, c’est bien malheureux que vous ne soyez pas un des nôtres, vous vivriez et vous mourriez en brave. Votre pouls est ferme comme le fer ; et votre main ne tremble pas. Il faudrait que la fortune fût bien injuste pour qu’il arrivât malheur à un cœur aussi intrépide. »

Job avança de quelques pas. « Maintenant, monsieur, murmura-t-il, souvenez-vous de votre argot ; faites exactement ce que j’aurai l’occasion de vous dire, et tournez avec soin le dos à la lumière, dans le cas où nous serions en compagnie. »

À ces mots il s’arrêta. Je sentis au toucher (car il faisait trop obscur pour rien voir) qu’il se baissait, pour écouter ; puis il tapa cinq fois à ce que je pris alors pour la porte, mais par suite je reconnus que c’était un volet de fenêtre ; à ce signal, une faible lumière perça à travers les ais, et une voix basse murmura quelques sons que mon oreille ne put saisir. Job répliqua sur le même ton avec des mots qui me furent parfaitement inintelligibles ; la lumière disparut ; Job fit un mouvement circulaire, comme s’il eût tourné le coin du bâtiment. J’entendis tirer lentement les lourds verrous et les barres d’une porte ; quelques moments après, une voix rude dit dans le dialecte des voleurs :

« Job le mirliflore, le prince des zigs, est-ce vous ? êtes-vous venu seul à la cambuse, ou amenez-vous double[1] ?

  1. « Job le bien frisé, mon prince des fripons, est-ce vous ? êtes-vous venu seul à la maison, ou amenez-vous quelqu’un avec vous ?

    — Ah, Bess, ma mignonne, que je sois frappé d’aveuglement si mes yeux ne voient pas votre face avinée en dépit de la nuit. Parbleu, vous avez une bonne figure. Venir seul à la maison ? non, ma bonne femme ;