Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE LXXXVI


Maintenant quelques mois se sont écoulés depuis mon mariage. Je vis tranquillement à la campagne, au milieu de mes livres, et jetant les yeux avec calme, plutôt qu’avec impatience, vers le temps qui me ramènera de nouveau dans le monde. Le mariage pour moi n’est pas le tombeau de toutes les espérances humaines et de toute énergie, comme souvent il l’est pour les autres. Je ne suis pas plus attaché à mon fauteuil, et je n’ai pas plus de répugnance à me raser, que par le passé. Je ne borne pas mes espérances à l’heure du dîner, ni mes projets « aux migrations de la chambre bleue à la chambre brune[1]. » Le mariage m’a pris ambitieux, il ne m’a pas guéri de cette passion ; il a seulement mis en un faisceau mes projets épars et donné un corps à mes rêves. Si je suis moins avide qu’auparavant de la réputation qui s’acquiert dans la société, je suis plus ardent pour l’honneur qu’on peut obtenir dans le monde ; et au lieu d’amuser mes ennemis, et les salons, j’ai la confiance d’être utile encore à mes amis et au genre humain.

Cette espérance est-elle tout-à-fait vaine et insensée ; dans la bonne opinion que j’ai de moi-même comme tous les hommes (et vous ajouterez plus que les autres), peut-être me suis-je abusé à la fois sur la puissance et sur l’intégrité de mon esprit, car l’une est inutile sans l’autre,

  1. Vicaire de Wakefield.