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CHAPITRE II. — LA TYRANNIE AU QUATORZIÈME SIÈCLE.

d’hérédité, soit pour la succession au pouvoir, soit pour le partage des biens ; aussi, dans les moments de crise, un cousin ou un oncle résolu écartait, dans l’intérêt dé la maison elle-même, le fils mineur ou incapable du prince qui n’était plus. De même il y avait des discussions continuelles à propos de l’exclusion ou de la reconnaissance des bâtards. Il arriva ainsi qu’un grand nombre de ces familles comptaient dans leur sein des membres mécontents, qu’on voyait assez souvent recourir à la trahison ouverte et se venger en tuant leurs proches. D’autres, vivant dans l’exil, se résignent à leur sort et considèrent leur situation sous un point de vue tout objectif, comme, par exemple, ce Visconti qui péchait au filet dans le lac de Garde[1]. Le messager de son rival lui ayant demandé comment et quand il comptait revenir à Milan, il lui répondit : « Par le même chemin par lequel j’en suis sorti, mais pas avant que les crimes de mon ennemi aient dépassé mes propres méfaits. » Parfois aussi, les parents du souverain immolent ce dernier à la morale publique, violée d’une manière par trop scandaleuse, afin de sauver ainsi la maison elle-même[2]. Dans certains États l’autorité réside dans l’ensemble de la famille, de telle sorte que le prince régnant est tenu de s’éclairer des conseils des siens ; dans ce cas aussi le partage du pouvoir ou de l’influence provoquait facilement les plus sanglantes querelles.

Chez les auteurs florentins du temps, on rencontre

  1. Petrarca, Rerum memorandar. liber III ii 66 — Il s’agit de Matthieu Ier Visconti et de Guido della Torre, qui régnait alors à Milan.
  2. Matteo Villani, V, p. 81 : le Meurtre de Mathieu II (Mattiolo) Visconti par ses frères.