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Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/185

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CHAPITRE III. — LA GLOIRE MODERNE.

connaît l‘empereur Charles IV lui-même[1] ? En effet, même de son vivant, sa réputation s’étendait au delà de rilalie. Et n’éprouva-t-il pas une émotion légitime lorsque, revoyant pour quelques jours Arezzo, sa patrie (1350), il fut accueilli par ses amis qui le conduisirent à la maison où il avait reçu le jour et lui annoncèrent que la ville veillerait à ce qu’on n’y changeât jamais rien [2] ? Autrefois on conservait pieusement les demeures de certains saints illustres, comme, par exemple, la cellule de saint Thomas d’Aquin chez les Dominicains de Naples, et le réduit de saint François d’Assise ; tout au plus y avait-il encore quelques grands jurisconsultes qui Jouissaient de cette considération à moitié fabuleuse et de cet honneur extraordinaire ; c’est ainsi que, vers la fin du quatorzième siècle, le peuple respectait encore un vieux bâtiment de Bagnolo près de Florence, comme étant l‘« étude » d’Accurse (né vers 1150), ce qui plus tard ne l’empècha pas de le laisser détruire [3]. Il est probable que les sommes énormes que gagnaient certains jurisconsultes par leurs consultations et leurs mémoires, et d’autre part leurs relations politiques, frappaient vivement les imaginations, et que ces souvenirs passaient à la postérité la plus reculée.

On honorait de même les tombeaux des hommes illustres [4] ; pour ce qui concerne Pétrarque en particulier, [5]

  1. Il est à remarquer que Charles IV lui-même, influencé peut-être par Pétrarque, présente, dans une lettre à l’historien Marignola, la gloire comme ie but des hommes d’action. H. Friedjung, L’empereur Charles IV et la part qu’il a prise à la vie intellecluelle de son temps, Vienne, 1876, p. 221.
  2. Epist. seniies, XIII, 3, à Giovanni Aretino, 9 sept. 1370.
  3. Filippo Villani, Vile, p. 19.
  4. Les deux choses se rencontrent dans l’épitaphe de Boccace
  5. cent ans plus tard en affirmant que pas un savant ne connaîtrait plus le roi Robert le Bon si Pétrarque n’en avait parlé si souvent et en termes si affectueux.