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Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/186

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DÉVELOPPEMENT DE L’INDIVIDU.

la ville d’Arquà où il était mort devint un séjour aimé des Padouans, et elle se couvrit d’habitations élégantes[1]. Tout cela se faisait à une époque où le Nord n’avait que des pèlerinages, des images miraculeuses, des reliques, pas « d’endroits classiques ». Les villes mirent leur point d’honneur à posséder les ossements de personnages célèbres indigènes ou étrangers, et l‘on est étonné de voir que dès le quatorzième siècle, longtemps avant S. Croce, les Florentins songeaient très-sérieusement à faire de leur dôme un Panthéon. Accurse, Dante, Pétrarque, Boccace et le jurisconsulte Zanobi della Strada devaient y avoir des mausolées [2]. Dans les dernières années du quinzième siècle, Laurent le Magnifique en personne alla demander aux habitants de Spolète de lui céder les restes du peintre Fra Filippo Lippi pour le dôme de Florence ; ils lui répondirent que leur ville ne possédait pas trop d’ornements, surtout que les hommes célèbres n’y abondaient pas, et qu’ils le priaient de leur faire grâce de sa requête ; en effet, Laurent dut se contenter d’un simple cénotaphe [3]. Malgré toutes les démarches auxquelles Boccace, avec une amertume pleine d’emphase, poussa sa ville natale [4], Dante lui-même continua de reposer paisiblement près de San Francesco à Ravenne, « entre d’antiques tombeaux d’em-


    Naegiiî in Firenze al Pozzo TotcaneUi, Di fuor sepolto u Certaîdo giaccio, etc. ~ Comp. Opere volgari di Bocc., vol. XVI, p. 44.

  1. Mich. Savonarola, laudibus Patavii, dans Murat., XXIV, col ll i7. nepuis lors, Arquà resta toujours l’ol>jel d’uoe vénéra- 1 • n ;’aniculière (roinp. Ettore conie Macola, / codici d -hqnà V .oùe. 1374) ; on y célébra de grandes fêtes lors du cinquième cenienairc de la mort de Pétrarque. On dit que récemment la maison qu’il habitait a été donnée à la ville de Padoue par le cardinal Silvestri, qui l’a possédée en dernier lieu.
  2. Voir l’arrêté motivé de 1396 dans Gave, Carleggie, ï, p. 123.
  3. Reumont, Laurent de Médicis, II, 180.
  4. Boccaccio, Vita di Dante, p. 39.