Aller au contenu

Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
205
CHAPITRE IV. — LA RAILLERIE ET L’ESPRIT MODERNES.

jeu, le plus grand calomniateur des temps modernes, Pierre Arétin, s’était formé surtout à l’école de Rome. Un coup d’œil jeté sur sa vie nous dispensera de nous occuper d’écrivains moins célèbres dans ce genre.

Nous connaissons principalement les trente dernières années de sa vie (1527-1657), qu’il passa à Venise, le seul asile possible pour lui. Retranché dans la ville des lagunes, il tenait toutes les célébrités de l’Italie comme en état de siège ; c’est là qu’affluaient aussi les présents des princes étrangers qui employaient ou redoutaient sa plume. Charles-Ouint et François Ier le pensionnaient tous les deux en même temps, parce que chacun espérait qu’Arétin écrirait des choses dé.sagréables contre son adversaire ; Arétin les flattait tous deux, mais s’attacha, comme de raison, plus étroitement à Charles-Ouint, parce que celui-ci resta le maître en ltalie. Après la victoire remportée par Charles sur Tunis (1535), il quitte son ton habituel pour prendre celui de l’emphase la plus ridicule et diviniser son héros ; il faut remarquer à ce propos qu’Arétin ne cessa de se bercer de l’espérance que Charles-Quint l’aiderait à devenir cardinal. Il est probable qu’il jouit d’une immunité toute spéciale en sa qualité d’agent espagnol, parce que par ses écrits ou par son silence on pouvait peser sur les petits princes italiens et sur l’opinion publique. Il affectait le mépris le plus profond pour la papauté, sous prétexte qu’il la connaissait de près ; la véritable raison de son mépris était qu’à Rome on ne pouvait et ne voulait plus le traiter comme un homme honorable [1]. Il gardait un silence prudent sur Venise ,

  1. Au duc de Ferrare, 1er janvier 1536 [Leiiere, ed. 1539, fol. 39) : « Vous allez faire le voyage de Rome à Naples, rîcreando lu visia awitita nel mîrar U miserie pontifieoli cgn la contemplalione dclh cccel~ kme imperiali. »