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Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/212

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DÉVELOPPEMENT DE L’INDIVIDU.

ne trouverait peut-être pas une seconde lettre comme celle qu’il adressa à Michel-Ange, au mois de novembre 1545[1] ; tout en l’accablant de témoignages d’admiration (à cause de son Jugement dernier), il le menace parce qu’il est irréligieux, indécent, voleur (aux dépens de l‘héritier de Jules II) ; enfin, dans un post-scriptum destiné à apaiser le grand artiste, il ajoute : « J’ai voulu simplement vous montrer que, si vous êtes divine (di vino), je ne suis pas non plus d’acqua[2]. » En effet, soit folle outrecuidance, soit manie de parodier tout ce qui était célèbre, il tenait à être appelé divin et à entendre partout cette épithète que lui avait donnée un de ses flatteurs. Quoi qu’il en soit, il parvint à un tel degré de célébrité que, dans la ville d’Arezzo, on montrait la maison où il était né comme une des curiosités de l’endroit ». Sans doute il restait, d’autre part, des mois entiers sans oser franchir le seuil de sa porte, pour ne pas tomber entre les mains d’un Florentin irrité, comme le plus jeune des Strozzi, par exemple ; les coups dc poignard et les bastonnades ne lui ont pas manqué[3], bien que le résultat n’en ait pas été tel que Berni l’avait prédit dans son sonnet fameux : il mourut dans sa maison, à la suite d’une attaque d’apoplexie. Dans la distribution de ses flatteries il fait des distinctions curieuses : aux étrangers il offre l’encens le plus grossier ; pour des gens comme le duc CÔrae de Florence il réserve la louange délicate[4]. Il loue la beauté du prince,

  1. Gaye, Carteggio, II, p. 332.
  2. Voir la lettre impudente de 1536 dans les Lcturs piuor., I, Append. 3L—Compar. plus haut. p. 180 et 181, la maison où était né Pétrarque, dans la même ville d’Arezzo,
  3. L’Arétin per Dio grazzia, è vivo e sano,
    Ma’l mostaccio ha fregiato nobilmente,
    E piò coldi ha, che dita in una mano.
    (Mauro, capitolo in lode delle bugie.)
  4. >Voir, p. ex., la lettre au cardinal de Lorraine, Lettere, ed